Diagne Fodé Roland
Le discours du Mali à l’ONU de ce 24 septembre 2022, lendemain du 22 septembre date anniversaire de l’indépendance du Mali, restera dans l’histoire comme un tournant majeur dans la confrontation montante entre néocolonialisme et souverainisme en Afrique. Dès septembre 2016, nous écrivions que la « françafrique craque » de la Côte d’Ivoire, Gabon, Centrafrique, Tchad et Mali. Et avant en 2006, nous annoncions la nécessaire « sortie progressive des années contre-révolutionnaires 80/90 ».
Ces prévisions politiques n’ont rien de mystiques ; elles émanent de l’analyse que nous faisions de l’aggravation de la crise du capitalisme impérialiste, de la fin progressive des illusions sur le diktat totalitaire impérialiste de la pensée unique libérale synthétisée par Margaret Thatcher avec la formule « there is no alternative », des premières victoires électorales des anti-libéraux et anti-impérialistes en Amérique du Sud et de l’inévitable montée en puissance économique, scientifique, technologique, culturelle et militaire des pays rescapés du camp socialiste (Chine, Vietnam, Corée du Nord, Cuba), de la Russie et de l’Inde bourgeoise, des Brics, etc.
A la surprise de beaucoup, le Mali souverainiste a saisi l’ONU contre les agissements illégaux et la duplicité des impérialistes français en demandant d’y exposer les preuves qu’il détient sur les infractions à sa souveraineté nationale, a expulsé l’armée française de son territoire, a rejeté l’interdit français d’accès à l’armée et à l’administration malienne à Kidal, a démasqué les accointances françaises avec des fanatiques djihado-terroristes que l’ex-ministre français social démocrate, Laurent Fabius, louait sans scrupules disant que « Al Nostra fait du bon boulot en Syrie », a dénoncé l’inféodation néocoloniale des sanctions de l’UEMOA/CEDEAO à la françafrique.
Le Mali vient clairement de signifier à :
- la CEDEAO « qu’il existe un principe de subsidiarité, d’ailleurs aux contours flous, entre la CEDEAO et les Nations Unies et non un principe de mimétisme. Egalement, il est important de lui préciser que le Secrétaire Général des Nations Unies n’est pas un Chef d’Etat et le Président en exercice de la CEDEAO n’est pas un fonctionnaire. Par conséquent, il serait indiqué qu’il ne banalise pas la CEDEAO » ;
- l’ONU qu’ « il nous faut reconnaître que près de 10 ans après son établissement, les objectifs pour lesquels la MINUSMA a été déployée au Mali ne sont pas atteints. Et ce, en dépit des nombreuses résolutions du Conseil de sécurité. C’est pourquoi, le Gouvernement du Mali réitère sa demande, maintes fois exprimée, d’un changement de paradigme, d’une adaptation de la MINUSMA à l’environnement dans lequel elle est déployée et d’une meilleure articulation de cette mission avec les autorités maliennes » ;
- Macron, le président français, que « Les autorités françaises profondément anti-françaises pour avoir renié les valeurs morales universelles et trahi le lourd héritage humaniste des philosophes des lumières, se sont transformées en une junte au service de l’obscurantisme. Obscurantisme de la junte française nostalgique de pratique néocoloniale, condescendante, paternaliste et revancharde, qui a commandité et prémédité des sanctions inédites, illégales, illégitimes et inhumaines de la CEDEAO et de l’UEMOA contre le Mali ».
- Macron : «Obscurantisme de la junte française qui s’est rendue coupable d’instrumentalisation des différends ethniques, en oubliant si vite sa responsabilité dans le génocide contre les Tutsis au Rwanda, coupable également de tenter désespérément de diviser les maliens enfants d’une même famille. Enfin, obscurantisme de la junte française, qui a violé l’espace aérien malien en y faisant voler des vecteurs aériens tels que des drones, des hélicoptères militaires et des avions de chasse, plus d’une cinquantaine de fois, en apportant des renseignements, des armes et munitions aux groupes terroristes ».
- Macron et au Secrétaire général de l’ONU : « Eu égard à la gravité des faits commis par la junte française, le Mali dans sa lettre en date du 15 août 2022, a demandé la tenue d’une réunion d’urgence du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Cette réunion a pour objet de permettre au Mali de présenter les éléments de preuve en sa possession, démontrant que l’armée française a agressé en de maintes reprises, mon pays, en violant, de manière répétitive et fréquente l’espace aérien malien, sans autorisation des autorités maliennes et parfois en falsifiant des documents de vol. Plus grave, Monsieur le Président, le Mali sera en mesure de prouver que la junte française a fourni des renseignements et des armes à des groupes terroristes ».
L’opposition grandissante entre camps néocolonial et patriotique panafricain dans tous les pays africains prend au Mali la forme de la résistance du régime de transition du Mali à l’agressivité des prédateurs impérialistes de la françafrique, de l’eurafrique et de l’usafrique alors qu’ailleurs elle prend la forme de partis- fronts électoraux regroupant les représentants des classes sociales bourgeoisies, petites-bourgeoises et les classes laborieuses souverainistes.
L'Afrique est en marche pour rejoindre le concert du multilatéralisme adossé à la souveraineté nationale contre l'unilatéralisme prédateur néocolonial.
24 septembre 22
Diagne Fodé Roland.