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Changer avant qu’il ne soit trop tard : les visages de l’irresponsabilité au Sénégal

Mardi 14 Mars 2017

Changer avant qu’il ne soit trop tard : les visages de l’irresponsabilité au Sénégal
Par Ahmadou M. Kanté (*)
 
Dans notre contribution de février 2017, le but était de sensibiliser les sénégalais sur les dangers de la banalisation de l’irresponsabilité. Les développements récents comme des faits d’hier révèlent bien que le pays en a bien besoin et que seuls les insouciants ne sont pas inquiets de la marche du pays. Et dans cette optique, nous avions rappelé à nous-mêmes et à tout le monde des versets et hadiths sur la bonne nouvelle qui attend les vrais et exemplaires responsables mais aussi sur les avertissements à l’endroit des irresponsables et trompeurs du peuple de tout acabit.
 
Nul ne peut échapper à ses responsabilités à commencer par lui-même et sa famille.Dans ce cadre, il nous agrée de rappeler ces deux hadiths :« Chacun de vous est un berger et à chaque berger il sera demandé des comptes sur ce dont il avait la garde (…) » ; « Quatre caractéristiques, désignent l’hypocrite. Celui qui incarne une d’elles montre un penchant pour l’hypocrisie, jusqu'à ce qu’il s’en débarrasse : Si on lui confie quelque chose, il trahit. S’il parle, il ment. S’il tient une promesse, il la viole. Et s’il se querelle avec quelqu’un, il transgresse (selon les oulémas il faut comprendre : il invente, déforme, etc., pour dénigrer son vis-à-vis avec des arguments infondés). »
 
On peut trouver des valeurs similaires au contenu des hadiths susmentionnés dans le judaïsme, le christianisme, les religions non abrahamiques comme les religions traditionnelles négro-africaines, et dans les éthiques et sagesses d’inspiration philosophique notamment orientale et occidentale. Pour dire que cette notion de responsabilité peut prétendre à l’universalité tellement elle est partagé par les visions du monde et de l’homme de l’humanité une et diverse. Allons maintenant directement au but pour identifier quelques attitudes et propos qui vont à l’encontre de la valeur responsabilité au Sénégal.
 
Si le président de tous les Sénégalais dit qu’on n’a pas idée du nombre de dossiers sur sa table par rapport à ceux qui étaient sous traitement judiciaire, on peut se poser la question de son statut de garant de l’administration de la justice pour tous au nom du mandat que le peuple lui a donné.
 
Si c’est le ministère de la justice qui décide de transmettre ou pas au parquet des dossiers, on peut se poser des questions sur l’indépendance de la justice qui doit être garantie formellement par la séparation des pouvoirs notamment entre l’exécutif et le judiciaire.
 
Si ce problème d’indépendance de la justice se pose et que le pouvoir législatif s’il en est encore ne prend pas des initiatives pour le résoudre ou en réduire les faiblesses, on peut se demander en quoi les parlementaires sont-ils conscient de leur devoir en matière de justice pour tous.
 
Si les hommes et femmes qui sont au pouvoir ne trouvent rien à dire sur le rapport qu’entretient le pouvoir judiciaire s’il en est encore et celui exécutif, et crient dès qu’ils n’y sont plus son manque d’indépendance, on peut se demander en quoi ils aident leur pays à avancer dans la réduction des injustices de toutes sortes.
 
Si les hommes et femmes politiques qui ne sont pas au pouvoir crient au complot à chaque fois qu’ils ont maille à partir avec l’institution judiciaire, on peut se demander s’ils se croient être des justiciables comme tous les autres citoyens.
 
Si la transhumance est devenue une pratique ordinaire et toujours vers le parti qui est au pouvoir, comment les concernés peuvent-ils se prévaloir d’une quelconque sincérité dans leur rapport avec les citoyen, et quelles sont leurs convictions politiques s’ils en ont ?
 
Si tout le monde fait coalition avec tout le monde juste pour obtenir le pouvoir ou le faire tomber par tous les moyens, que penser des principes éthiques qui doivent guider l’action politique dans le bon sens du terme ?
 
Si tout le monde joue au maitre chanteuret veut se vendre au prix qu’il pense valoir et fait profil bas quand les plus forts le lui donnent, comment s’étonner de voir le combien se substituant au bien nous conduire à la déréliction ?
 
Si tout le monde joue au plus malin par moult tromperies du prochain et du collectif alors qu’il ne s’agit que de « gaatkhel » et du « mbaadolo », comment s’étonner de voir la duplicité devenir le « amfayda » et la franchise le « niakfayda » ?
 
Si tous ceux qui sont en position de recruter à des emplois publics le font sur la base de « tu viens de la part de qui ? » en lieu et place des bonnes et justes questions « quelles sont vos compétences » ?, « que savez-vous faire ? », « quel est votre parcours ? », « quel niveau et degré de formation avez-vous ?», comment s’étonner de la démoralisation des ayants-droits notamment des jeunes discriminés et exclus dans leur propre pays ?
 
S’il y a des gens au Sénégal qui sont des personnes sacrées et qui par cette vertu qu’ils tirent d’on ne sait où et de qui n’ont pas leur place en prison quoi qu’elles fassent et que d’autres peuvent y trouver la mort pour ce qu’ils ont fait ou soupçonné d’avoir fait, seuls les fous ne sont pas inquiets.
 
Si pour des fautes et des mérites similaires, les sanctions positives et négatives ne sont pas les mêmes, et si pour les mêmes opportunités, le même accès n’est pas garanti à tous les citoyens, le pays va droit au mur et personne ne devrait s’en étonner.
 
Si des politiques insultent et dénigrent à tout va les institutions notamment la judiciaire et les corps de contrôle des deniers publiques du pays qu’ils vont utiliser (les institutions) demain s’ils arrivent au pouvoir pour réprimer ceux qui en feront autant à leur encontre, il faut se poser des questions sur leur conception de la politique et leur respect pour leur pays.
 
Si des chefs religieux demandent le pardon autant le faire pour tous ceux qui ont maille à partir avec la justice et pas seulement pour des hommes ou femmes qui jouissent d’une notoriété vraie ou supposée acquise au mérite ou non et qu’ils soient des politiques ou non.
 
Si personne ne doit être sanctionnée parce qu’ayant fait profiter de ses services, biens et positions ma famille, mon parti, mon marabout, mon association, mon quartier, ma chapelle, il faut plaindre le pays et les plus démunis.
 
Si chacun se fait insouciant sur le sort de l’autre en attendant que le sien soit menacé, c’est mentir aux exigences de la nécessaire solidarité et du juste partage des sacrifices et des gains qui sont les piliers du bon vivre.
 
Si chacun dit ça ne marche pas juste par rapport à ses propres préoccupations, comment s’étonner du règne du manque de respect et de l’insouciance à l’égard de l’intérêt général ?
 
Si petit à petit se banalisent les expressions « alaloubourla », « maatay », « louchii sa yoon », « niawalfach ko », « loochi man », le pays court à sa perte par l’irresponsabilité revendiquée assortie de grande gueule vulgaire.
 
Si personne n’a peur de tout ce qui est sus décrit, où se situe alors la frontière entre raison et déraison au Sénégal ?
 
Si personne ne veut être le changement attendu, comment pourra-t-il advenir ? Si personne ne veut brûler, comment les ténèbres deviendront-elles lumières ?
 
(*) Imam, écrivain et conférencier, amakante@gmail.com
 
 
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