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Les chroniques noires d'un lébou blanc : le regard de l’étranger sur le Sénégal

Lundi 20 Novembre 2017

Par le livre, Philippe Cantalou reconstitue sa vie au Sénégal. Français d’origine algérienne, l’auteur revient sur des pans entiers de sa vie de Blanc au pays de la Téranga.


En général, les Lébous sont connus pour leur peau très noire. Cette règle, comme toutes les autres, a des exceptions. Du moins si on se fie à Philippe Cantalou. Blanc, il revendique le sobriquet «Lébou» qui lui colle à la peau. En atteste le titre de son ouvrage, intitulé «Les chroniques noires d’un Lébou blanc», publié aux éditions L’Harmattan. Mieux, dès la première page du livre, le ‘’poète’’ affirme : «Je suis comme la samba, blanc dans la poésie et noir dans le cœur».
 
Ce Français d’origine algérienne, à travers ce livre, fait une photographie ‘’objective’’ de la société sénégalaise qu’il connait de l’intérieur. Dans un style très original, M. Cantalou raconte sa perception de ‘’l’homosenegalensis’’, de la vie au Sénégal, ses déboires et ses amours, ses échecs et ses réussites, entre autres sujets.
 
‘’Ces chroniques, dit-il dans la 4ème de couverture, sont un hymne à l’euphorie. Celle d’une pulsion sans freins, le retour de l’auteur au pays de sa tendre enfance pour s’y installer après le décès de sa mère’’. C’était en 2008. Il avait 41 ans. Soucieux, comme il le dit, de rassembler les morceaux de son âme et de son corps durement secoués par le décès de sa génitrice.
 
«Blanc dans la poésie, Noir dans le cœur»
 
Ainsi, entre Cantalou et le Sénégal, c’est une longue histoire. L’auteur n’avait pas encore un an. A l’âge de six ans, il quitte Dakar en pleurant. Tellement la vie, le soleil et les hommes l’auront marqué. Durant son absence, il regrette amèrement d’avoir quitté prématurément la capitale de la Téranga (hospitalité). Comparant la vie en Normandie et celle de Dakar, il dit :
 
‘’Pendant les trois ans que dura mon calvaire à Rouen, le pot de chambre de la France, je compris très vite qu’il n’y a pas que le soleil qui fait défaut par rapport au Sénégal. Etrangement, la chaleur humaine des citadins normands me parut aussi laisser à désirer’’.
 
De fait, l’enfant Cantalou, du fait de son passage à Dakar, était différent des autres enfants trouvés sur place. Ce qui n’a pas manqué d’attirer l’attention de ses ‘’tuteurs’’, notamment la directrice de son école St-Dominique à Bois-Guillaume. Dans le carnet de notes de l’enfant, elle témoignait « de sa surprise de voir un petit garçon aussi naturel en présence des adultes », rapporte l’auteur qui explique :
 
« En 1972, dans le pluvieux Rouen, cela n’était pas courant, comme le fait d’être le seul de ma classe à savoir nager le crawl et la brasse ou à avoir le teint hâlé d’un bronzage exotique en plein mois de mars normand ». Des spécificités que le gamin tient de son vécu au pays de Léopold Sédar Senghor. Un passage qui reste jusqu’à ce jour gravé dans son cœur. ‘’Inutile, écrit-il, de vous dire que les larmes versées sur le tarmac de Dakar ne furent que quelques gouttes par rapport à celles que j’ai versées pendant plus de trois ans sans soleil en Normandie’’.
 
Marseille et l’OM…
Après Rouen, l’enfant fait cap sur Marseille. En effet, au gré des mutations du père, salarié à IBM, la famille déménagea dans cette ville cosmopolite. Par son récit succulent, Cantalou montre les ressemblances entre Marseille, l’une des cités françaises les plus africaines, et Dakar. Peut-être un début d’explication de la popularité de l’équipe de football phocéenne au Sénégal.
 
Là-bas, en effet, le pied noir retrouve un peu de la chaleur qu’il avait laissée à Dakar. C’est le début de la fin de son mal-être. Il déclare, enjoué : « Ce cauchemar (Rouen) prit fin quand la famille déménagea à Marseille. Mon père y fut muté à l’agence IBM. Là-bas je me sentis renaitre. Je ne remis plus jamais les pieds en Normandie, une terre qu’affectionnait pourtant le Président Senghor, « Léo le poète ».
 
Quelques années plus tard, Philippe Cantalou décide donc de revenir sur les terres de son enfance, au Sénégal. Une enfance qui lui rappelle plein de beaux souvenirs. Ces genres de choses qu’on a hâte de revivre. Mais il n’est plus petit. Il est devenu une grande personne. Son regard est différent. Son esprit plus alerte. Il ouvre une poissonnerie appelée « Le Poissonnier blanc ».
 
«Quand j’ai su que je faisais rire les poissons…»
 
D’une déconvenue à l’autre, il finit par fermer boutique et se mit à rédiger sa tranche de vie à Dakar. Provocant, taquinant, accusant, Philippe porte plein de jugements sur ses partenaires, ses ‘’amis’’, les rapports entre Blancs et Noirs, les unions entre les deux races basées uniquement, selon lui, sur l’intérêt : sexe pour le vieux blanc, argent pour la jeune fille noire… Il en donne quelques illustrations tirées sur le volet.
 
Au docteur Abdoulaye Diallo, directeur général des éditions Harmattan Sénégal, qui l’interrogeait sur les raisons qui l’ont poussé à arrêter son activité, il répond sur un ton ironique : « Quand j’ai su que je faisais rire les poissons, j’ai arrêté de les vendre ».
 
Dans le livre, le poissonnier donne les véritables raisons de sa faillite et la nouvelle idée qu’il se fait du Sénégalais. Une histoire qui tourne essentiellement autour d’un thème crucial au Sénégal : la DQ (dépense quotidienne = 2400 FCFA) »…Autrement dit, l’auteur tente d’expliquer dans le livre comment gagner sa vie à Dakar et qu’est-on (le Sénégalais) prêt à faire pour y arriver ? Les réponses à ces interrogations sont parfois empreintes d’émotion, parfois choquantes, pleines de préjugés.
 
Mais Philippe, le Français, pied noir, dit ce qu’il pense.

Khalil SECK
 
 
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