La circulation a repris vendredi sur plusieurs autoroutes en France après deux semaines de blocages par des milliers d’agriculteurs et des concessions gouvernementales majeures, en particulier sur les pesticides, au grand dam des écologistes.
L’autoroute stratégique du sud de la France, l’A7, qui était coupée sur 130 km depuis le 23 janvier, a rouvert. Le convoi qui était monté d’Agen en direction de la région parisienne a rebroussé chemin. Et plus aucun blocage n’est recensé en Île-de-France, a confirmé une source policière.
« Quelques rares points localisés » veulent « se maintenir jusqu’à samedi » et « des groupes isolés » « tenir jusqu’au Salon de l’agriculture (24 février-3 mars) », a résumé à l’AFP une source policière.
Vendredi à 15 h, neuf autoroutes gérées par Vinci, principal concessionnaire de France, restaient coupées et une quarantaine d’échangeurs fermés, trois fois moins qu’au pic du mouvement.
Les agriculteurs ont laissé des « centaines de tonnes de déchets » derrière eux, a souligné un porte-parole de Vinci, ce qui ralentit la réouverture car il faut nettoyer et remettre en état.
« On remettra le couvert »
Jeudi, l’alliance syndicale majoritaire FNSEA-Jeunes agriculteurs (JA) a appelé « à suspendre les blocages et à rentrer dans une nouvelle forme de mobilisation ».
La FNSEA veut voir la concrétisation des premières mesures d’ici le Salon de l’agriculture et une loi d’ici le mois de juin, a indiqué son président, Arnaud Rousseau, sur RMC-BFMTV vendredi. « Si finalement on n’était pas considérés, ou si tout ça n’était qu’un feu de paille, on remettra le couvert ».
La Coordination rurale, 2e syndicat représentatif, a quant à elle « invité » ses adhérents à « suspendre » les actions. « Le monde paysan va rester mobilisé dans la perspective du Salon de l’agriculture et dans la plus grande vigilance vis-à-vis des avancées attendues au niveau national et européen », a dit l’organisation dans un communiqué.
Le troisième syndicat, la Confédération paysanne, reste de son côté mobilisé car « la question fondamentale du revenu » n’est « toujours pas prise à bras-le-corps par le gouvernement ».
Quant aux agriculteurs et agricultrices bio, ils « se sentent les grands laissés pour compte de la négociation », déplore leur fédération, la FNAB, qui chiffre les pertes de la filière à 550 millions d’euros sur deux ans et pour qui « la suspension d’Ecophyto n’est qu’une goutte d’eau de plus dans la désillusion ».
« Contresens »
Jeudi, le premier ministre Gabriel Attal, pour sa troisième salve d’annonces en une semaine, avait égrené des mesures qui selon lui répondent « à une grande partie des attentes » des agriculteurs.
Inflexion majeure destinée à obtenir la levée du blocage, il a annoncé la mise « à l’arrêt » du plan Ecophyto visant à réduire l’usage des pesticides.
« La France a choisi d’agir à contresens de la raison, à contresens de l’histoire, à contresens de l’urgence écologique », s’est emportée l’ONG Agir pour l’environnement, dans un communiqué vendredi.
« Nous devons sortir de l’écologie punitive pour être dans une écologie des solutions », a plaidé vendredi la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot, assurant que l’exécutif « continue à avoir des ambitions pour l’écologie, mais cette écologie doit être dans le concret des réalités ».
« Baroud d’honneur »
Autour de Lyon, les barrages se sont pour la plupart dispersés. Exception notable, l’A43, toujours bloquée par la Confédération paysanne à une trentaine de kilomètres à l’est en direction de Chambéry.
Quelques manifestations entravent aussi toujours la circulation sur certaines portions de l’A9, l’A10, l’A20 et l’A54, autour de Clermont-Ferrand et plus au nord sur l’A71, ou encore au sud de Dijon sur l’A31.
Dans les Hauts-de-France, tous les barrages sont levés et aucune action à l’appel de la section régionale de la FNSEA n’est prévue dans les jours à venir, a indiqué à l’AFP son président, Simon Ammeux. « L’ultimatum est posé au Salon [de l’agriculture] », prévient-il.
Les tracteurs qui bloquaient l’A1 à proximité de l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle « sont sur la route du retour », selon lui.
Ici et là, de nouvelles actions sont organisées.
Un barrage filtrant a ainsi été mis en place vendredi matin à un péage proche de Saint-Quentin (Aisne), sur l’A26, indique Bruno Cardot, de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB), association spécialisée de la FNSEA.
L’action a été maintenue « parce que la base le demandait, une sorte de baroud d’honneur, de sas de décompression après dix jours très intenses », explique le planteur.
En Occitanie, un temps épicentre du mouvement de contestation mais en perte de vitesse depuis la venue de Gabriel Attal il y a une semaine, le nouveau train d’annonces a conduit à la levée — immédiate ou prochaine — de plusieurs barrages, notamment dans l’Aveyron et le Gers. [AFP]