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La privatisation des biens communs

Mercredi 25 Janvier 2017

La privatisation des biens communs
Par Mamadou Sy Albert
 
Les biens communs pourraient être définis par des biens appartenant à une communauté, à une Nation. Ils sont communs en ce que leur usage ne peut obéir aux intérêts d’un groupe social, d’une fraction de la population. Le bien commun est ce que des citoyens libres et égaux devant la justice ont en commun. Ils le partagent.
 
L’État moderne est probablement l’expression de cette volonté des communautés humaines et des  peuples de confier la gestion des biens communs à une Autorité légitime, reconnue et acceptée par toutes les composantes d’une société organisée. L’État incarne cet intérêt général. Les missions fondatrices de la puissance publique découlent de cette confiance collective et individuelle des citoyens à la bonne gestion des biens communs par la puissance publique.
 
La protection des biens matériels et immatériels est le socle qui cimente ses liens entre les communautés et le pouvoir étatique. Cet idéal des sociétés humaines est fortement remis en cause par le glissement de l’État central, protecteur des biens communs, vers un État au service d’intérêts de groupes privés nationaux et internationaux. La  gouvernance des biens communs est devenue une des sources majeures de l’instabilité des sociétés contemporaines.
 
Les conflits autour de la terre prennent de l’ampleur. Il ne se passe pas un jour sans que des sénégalais ne protestent contre l’autorité de l’État central, de ses démembrements ou contre l’autorité de la municipalité. On ne compte plus le nombre de populations déplacées de leur habitat, de leurs  champs ou de leurs lieux de travail pour des raisons d’État ou d’utilité publique.
 
La terre est en train de passer  du statut de bien commun à un bien privé sous l’influence d’intérêts personnels ou de groupes avec assez souvent la complicité de l’État central et de ses hauts fonctionnaires. C’est un processus inédit de dépossession des citoyens et des communautés de la terre. Ce phénomène est singulièrement notable dans les zones agricoles fertiles, sur les zones côtières. La trajectoire des nouvelles infrastructures routières et les installations touristiques aiguisent tous les appétits imaginables et inimaginables des entrepreneurs et du capital international.
 
L’eau est un autre bien commun. Elle est  fondamentale à la survie des communautés. Les citoyens sénégalais privés d’eau à la campagne et à la périphérie de Dakar se plaignent encore de l’inexistence du liquide précieux ou de sa mauvaise qualité. Ces citoyens sont tout simplement privés d’eau potable, la source de la vie. Ils vivent dans des conditions sociales dramatiques. L’exploitation de l’eau obéit plus au revenu des populations qu’à une politique de justice sociale de gouvernance de ce bien commun à tous les citoyens. On est servi en fonction de son revenu, de son rang social et de son lieu d’habitat en ville ou en campagne.
 
L’accès aux services publics des franges significatives des populations est quasi identique à l’usage des autres biens communs. Les défaillances de l’État en matière d’accès aux services public sont connues. Le service public est désormais menacé par la privatisation rampante de tous les côtés. L’état du système éducatif et de l’Enseignement supérieur constitue un indicateur de la dégradation de ces  biens publics communs.
 
Pendant que l’École publique se meurt, l’École privée connaît une montée en puissance. Alors que l’Université publique est plombée par l’absence de moyens financiers et de vision stratégique, l’Université privée  surgit et se développe à une vitesse insoupçonnée. Que dire de la santé publique, du transport public, des services administratifs, des biens sociaux que les citoyens partagent. Le système public est  globalement dans une mauvaise passe.
 
La dépossession des citoyens de la terre, de l’eau  et la  faiblesse notoire de l’accès des populations aux services sociaux de base se conjuguent paradoxalement à  la privatisation des biens communs. Et, c’est là une menace sérieuse à l’équilibre de la société sénégalaise et à la stabilité de l’État central. L’État central devrait probablement faire son introspection. Il a failli à ses missions fondatrices et à l’idéal de la gestion équitable du bien commun. Il s’est à la limite transformé en un État clientéliste, au service de groupes partisans. Cette  gouvernance des biens communs peu soucieuse du présent des populations et de l’avenir de la jeunesse alimente naturellement  tous les conflits de notre société et  la rupture entre les gouvernants et les gouvernants.
 
 
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