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G20 : L’héritage de Wade

Mardi 20 Septembre 2016

G20 : L’héritage de Wade
Par Adama Gaye
 
La tenue des sommets du G7, regroupant les pays les plus industrialisés, et du G20, mis en place après la crise financière de 2007 pour réordonner l’économie mondiale, est le meilleur prétexte, à ce jour, pour revisiter le legs d’Abdoulaye Wade.

Alors que vient de se terminer à Hangzhou le rendez-vous du G20 élargi, comme d’habitude, à un groupuscule de pays parmi les plus pauvres, notamment à l’habituel Sénégal, il est étonnant que les héritiers du 3ème Président de la République du Sénégal n’aient pas cru devoir emboucher leurs trompettes pour rendre à César ce qui lui appartient. Ce n’est en effet pas à Macky Sall, comme le claironnent ses excités derniers alliés, que revient le privilège donné à notre si petit pays d’être à la table des grands. Le mérite souligne le génie constructeur de celui qu’on avait l’habitude d’appeler le Pape du Sopi.
 
Souvenons-nous : c’est en 2001, au lendemain du Sommet des pays industrialisés, tenu à Gênes, en Italie, sous la pression d’un mouvement altermondialiste naissant, que la mort par balle d’un jeune étudiant italien, victime de la répression des carabiniers, la police locale, avait forcé les dirigeants des pays développés à comprendre qu’il leur fallait ouvrir leur table aux damnés de la terre. Ça tombait bien : sous le leadership de quatre Chefs d’Etat africains, dont Wade, le continent africain venait de mettre en place ce qui sera proposé au reste du monde comme stratégie de co-développement, à savoir le Nouveau Partenariat pour le développement économique de l’Afrique (Nepad).
 
En échange d’un financement de 70 milliards de dollars par an (le dollar valait 700 francs Cfa à l’époque) sur une période de dix ans, pour construire les infrastructures et faire face aux autres défis urgents africains, l’engagement était pris par l’Afrique d’améliorer sa gouvernance politique, de résoudre ses conflits internes ou interétatiques, et de devenir un acteur plus responsable dans la marche des affaires du monde.
 
Depuis lors, malgré les maigres résultats du Nepad, chaque année aussi bien aux réunions du G7 (G8 selon les relations avec la Russie) qu’à celles du G20, le Sénégal, pays dont ni le poids économique ni diplomatique ne le justifie, est invité. Même si à ce jour, ces participations restent un spectacle de haute mais inefficace diplomatie en dehors de l’annulation des dettes multilatérales survenue au Sommet de Gleeneagles (Ecosse en 2005), l’honnêteté intellectuelle voudrait que personne ne doute que la tchatche, l’audace, le manque de complexe de Wade ont donné au Sénégal un positionnement marketing sur la scène mondiale que l’histoire a l'obligation de lui concéder.
 
Il est alors étrange que Macky Sall, qui lui doit tout, n’ait pas encore, à ce jour, admis que sa présence à plusieurs rendez-vous planétaires, y compris au Sommet du G20 de Chine, il les doit à un certain Abdoulaye Wade. De grâce, montrez-vous digne, en ne vous attribuant pas le mérite qui revient à votre prédécesseur. Cela donnerait un coup de lustre à votre image si passablement écornée dans ce pays où vous avez passé plus de temps à vous approprier ses idées et projets.

Le faire, c’est donner plus de légitimité à celles et ceux, notamment dans vos rangs, qui peuvent s’en prendre à l’autre partie du bilan de Wade : son génie destructeur !
 
C’est pour ce passif-là que, pour ses contempteurs Sénégalais, l’histoire retiendra le nom de Wade. Qui peut en effet oublier qu’il avait été élu en l’an 2000 sur la base de son leitmotiv, le changement (Sopi), alors qu’une fois arrivé au pouvoir il n’a eu de cesse de démanteler les meilleures normes de gouvernance politique et économique du pays ? Sa fatuité, sa vantardise, son approche unilatérale du pouvoir l’ont amené à progressivement faire montre d’une intolérance face aux idées qui ne lui plaisaient pas, à vouloir mettre en avant sa famille (biologique, traditionnelle, réduite ou encore politique), à se révéler monarchiste, ou à s’imaginer que la présence à la tête de l’Etat était une raison pour s’enrichir et enrichir les siens. Si bien que toutes les infrastructures, dont la criminelle et corruptogène autoroute à péage, n’ont été conçues par le mafieux keynésien tropical que pour se remplir les poches –et celles de ses affidés.
 
En dépit de son talent oratoire et son opportunisme de bon aloi, essentiels atouts en politique, il a fini cependant par se faire doubler par celui qu’il prenait pour le plouc de son entourage mais qui a su, sous son aisselle, se faire des milliards (indus) et le poignarder au moment où il s’y attendait le moins.
 
En fin de compte, parce qu’il aimait être flatté, Wade a été la dernière victime de la fable du corbeau et du renard. Il est passé à côté de l’histoire, la grande, en laissant - autre partie de son legs - un pays socialement fracassé (nous y reviendrons) où les gens, appauvris, ne savent plus où donner de la tête, tandis que ses méthodes de braquage de l’Etat continuent.
 
En observant le Sommet du G20 depuis son hospice de Versailles que sa résidence lointaine semble être, il doit se mordre les doigts. Même si ses héritiers, voleurs à milliards, restent aux premières loges politiciennes d’un pays plus bas que terre du fait des actes de mal-gouvernance, nés des alternances ayant produit non pas le changement qualitatif mais la destruction des fondements de l’Etat et ceux de la société…Wade Formula, CQFD!
 
 
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