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CHRONIQUE - Le Président, maître du Budget et des Ressources

Lundi 31 Octobre 2016

CHRONIQUE - Le Président, maître du Budget et des Ressources
Par Mamadou Sy Albert
 
Le budget du Sénégal dépasse largement les 3000 milliards de Francs Cfa sous le règne de la seconde alternance. Il est en progression continue depuis l’avènement de la première alternance politique de mars 2000. Il double ainsi, entre deux changements de pouvoir. Dire que le budget du Sénégal indépendant faisait à peine les 75 milliards, à l’époque du Président Léopold Sédar Senghor. Seulement, voilà. Les chiffres sont des chiffres.

L’essentiel du budget est ailleurs. Il est plutôt dans son mode d’emploi public, la finalité de l’action politique et l’impact réel de l’utilisation de l’argent public dépensé pour un  meilleur fonctionnement de l’administration publique nationale, locale et la satisfaction des besoins des citoyens. Autrement dit, il faut absolument savoir lire entre les lignes des budgets croissants, en établissant les liens entre l’augmentation du budget et les capacités de l’État à remplir pleinement, ou non, des missions publiques. De ce côté, le mode d’emploi du budget est encore problématique chez nous. Quand le Sénégal sera un pays pétrolier et gazier, il est peu probable que ce mode d’emploi se modifie.

Les Présidents de la République se succèdent. Le Sénégal post-colonial est à son quatrième Président. Le mode d’emploi du budget, lui, ne semble point connaître des évolutions significatives. Encore moins des ruptures qualitatives. La Présidence de la République dispose dans le budget de l’année en cours de presque l’équivalent du budget national sous le règne du premier Président de la République. Les contextes sont certes différents.
 
Fidèles, partisans et cercle des amis
Pourtant, la méthode d’emploi du budget  est invariable. Elle ne correspond pas simplement aux exigences de la performance économique et de la rationalité économique. Le modèle de l’État que nous avons choisi depuis 1963 constitue la source fondamentale de ce mode d’emploi défiant toute logique de développement durable et du renforcement des capacités techniques de  l’État.

Le Président de la République est la clé de voûte des Institutions de la République. Il est également la clé de voûte du budget de la Présidence de la République et de tous les budgets alloués aux pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Et c’est justement cette fonction centrale du chef de l’État qui reproduit et alimente ce mode d’emploi propre au  parti unique, ses ramifications et du train de vie de l’État budgétivore.

Le Président de la République dispose de son budget. Il en fait ce qu’il veut. Cette anomalie explique probablement les largesses insoupçonnées d’un chef de l’État. Il nomme à tous les postes civils et militaires. Il peut fabriquer de toute pièce des milliardaires sortis de nulle part. Il peut aussi couper  les cordons de la bourse, quand il le désire.

Les Ministères gouvernementaux, l’Assemblée Nationale et les structures de l’État central et local, ont un mode d’emploi du budget quasi identique à celui de la Présidence de la République. Il ne peut en être autrement. Le Président de la République, le maître absolu des ressources publiques, des règles du jeu démocratique et de l’exercice du pouvoir étatique, place ses partisans en fonction de liens fortement politisés de nos jours. Il faut placer à tous les postes stratégiques les fidèles, les partisans et les serviteurs du Président de la République, du parti, de la coalition et le cercle des amis.
 
Une méthode qui défie toute logique de performance
Ce mode d’emploi du budget public est visible aussi dans le domaine social. Les pouvoirs publics rivalisent d’ardeur et de formule sociale dans la prise en charge des problèmes des citoyens, potentiels électeurs du camp présidentiel. Hier, la bourse et l’aide généralisée étaient des marqueurs sociaux de la volonté libéralo-sociale du Président de la République de venir au secours des élèves et des étudiants. Aujourd’hui, c’est la bourse familiale, la bourse sociale dans diverses variétés sanitaires, religieuses. L’État consacre ainsi des milliards de francs Cfa à ses partisans et au social. Les capitales religieuses, les chefs religieux et coutumiers, les communicateurs traditionnels, occupent subitement des postes budgétaires convoités.

Les dépenses sociales sont légalisées ou presque par le Président de la République et son pouvoir. Les syndicats des travailleurs, des enseignants, des journalistes ont désormais droit aux largesses étatiques. Ce mode d’emploi du budget a un coût politique et économique certain. Il grève le budget de l’État politicien. Il est antinomique à la performance et à l’efficacité dans l’utilisation des ressources publiques.

C’est peut-être un moindre mal. La classe politique a fini par accepter cette réalité permanente de l’exercice du pouvoir à la sauce socialiste, à la sauce libérale et républicaine. La sauce autogestionnaire et la sauce révolutionnaire ou la sauce communiste, ont été jetées à la poubelle de l’histoire des budgets. Elles se sont dissolues dans la sauce du moment. Le pire reste qu’il faudra un jour payer cher ce mode d’emploi du budget, avec une sauce rouge de sang et de douleur sociale. La paralysie de l’État est toujours au bout de cette gouvernance peu regardante de la détérioration chaotique des compétences techniques des services publics et des effets de la politisation à outrance sur l’administration publique.
 
 
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