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EDITORIAL
Lutte contre la corruption : du folklore et des bons sentiments
La loi sur les déclarations de patrimoine au Sénégal a-t-elle encore un sens ? Les «difficultés» et «blocages» de toutes natures qui empêchent sa pleine application par les autorités compétentes sur les personnes y étant assujetties rendent la question légitime. Au lancement hier à Pikine de la «Quinzaine nationale de sensibilisation sur la corruption», la présidente de l’Ofnac a révélé que les statistiques de déclaration tournaient autour de 60% pour les entrées et sorties de fonctions. Soit 40% des fonctionnaires désignées par la loi qui refusent encore de déclarer leurs biens avant ou après l’exercice de fonctions publiques.
 
Pour justifier cet échec, Mme Seynabou Ndiaye Diakhaté soutient: «Le Sénégalais répugne à parler de son patrimoine, mais lorsque nous expliquons aux assujettis le rôle protecteur de la déclaration de patrimoine, ils y adhèrent. Ils comprennent que c’est un moyen pour eux, s’ils sont poursuivis ou accusés d’enrichissement illicite, de prouver qu’ils ont acquis légalement leur patrimoine.»
 
Pour la présidente de l’Ofnac, la lutte contre la corruption se limiterait donc à des exercices de plaidoyer, de sensibilisation à l’endroit de catégories sociales et professionnelles présumées poreuses ou exposées aux trafics, en attendant que les personnes assujetties à la déclaration de patrimoine veuillent bien le faire, selon leur propre agenda.
 
Cette méthode de gouvernance frise l’irresponsabilité, la faiblesse, et tendrait vers une certaine compromission. La loi du 2014-17 du 2 avril 2014 stipule en son article 2 que les personnes suivantes nommément désignées doivent obligatoirement déclarer leurs biens. Ce sont : le président de l’assemblée nationale,, le premier questeur de l’assemblée nationale, le premier ministre, les ministres (sans exception donc), le (la) président(e) du conseil économique, social et environnemental, tous les administrateurs de crédits, les ordonnateurs de recettes et de dépenses, les comptables publics effectuant des opérations portant sur un total annuel supérieur ou égal à 1 milliard de francs CFA, en plus du président de la République qui, lui, déclare son patrimoine devant le conseil constitutionnel.
 
Pour évacuer tout malentendu, il est précisé sur le site de l’Ofnac que : «les personnes occupant les positions visées à l’article 2 et qui exercent leurs fonctions avant la promulgation de la présente loi, sont soumises au régime de l’effet immédiat. Pour celles-ci, l’entrée en vigueur entraine le fait générateur, dans les mêmes conditions que pour la nomination.»
 
L’opinion avait bien sentie, avec le limogeage brutal de Nafi Ngom Keïta, que les investigations de nature sensible et ayant des connexions directes ou dangereuses avec le président de la République, son gouvernement, sa famille, allaient être strictement encadrées pour éviter les scandales publics. A l’heure qu’il est, cette mission d’endiguement semble parfaitement assurée par Seynabou Ndiaye Diakhaté à travers le folklore qui caractérise globalement l’anti-corruption sous sa présidence. Une posture qui n’est pas si éloignée du principe consistant à gagner de l’argent en dormant.
 
 
 
 
 

Embastillement: Un point un trait !
Le raid réussi hier par Guy Marius Sagna et ses compagnons militants, même s’ils ont fini par être déportés dans des commissariats de la police, sera désormais inscrit dans les annales (malheureuses) de la démocratie sénégalaise au passif d’un régime abonné aux toquades démocratiques depuis ses origines.
 
Le fait qu’ils soient parvenus, par la ruse et par la détermination, à toucher les grilles du Palais de la République pour protester contre une hausse illégitime des coûts de l’électricité, est un signe révélateur du fossé béant qui existe entre le locataire arrogant des lieux et sa cour, et une frange importante de la population sénégalaise. Cette fracture n’est pas une nouveauté car c’est elle qui est à l’origine des actes manipulatoires qui ont présidé à l’organisation scandaleuse de la plupart des élections tenues dans ce pays depuis sept ans.
 
En atteignant les rives sombres d’une présidence impopulaire dont le règne ne perdure en partie que par les baïonnettes que porte la loi de la force, Guy Marius Sagna et Cie humilient fondamentalement le régime. Interdits de marche par un préfet politicien aux ordres du prince, ils démontrent sur le terrain des réalités comment des proclamations nobles et séduisantes sur l’Etat de droit se transforment en mensonges opérationnels qui violent concrètement les droits élémentaires des citoyens.
 
Par cette même occasion, ils rappellent à ceux dont les esprits ont besoin d’être mis à jour que rien n’est plus fragile qu’un pouvoir qui se repose sur sa loi pour punir ses propres citoyens au mépris des intérêts supérieurs du pays.
 
C’est en cela que leur interpellation est une défaite, une de plus et peut-être pas la dernière, pour Macky Sall. Jamais un chef d’Etat sénégalais n’aura autant trahi la démocratie et ses principes, et ce n’est sans doute pas fini d’ici à 2024. Un point un trait, advienne que pourra !
 

C’est par la terreur du limogeage systématique que le président de la République tient en laisse son camp et ses alliés de Benno Bokk Yaakaar sur la question d’un 3e mandat en sa faveur. Mais un jour ou l’autre, d’une manière ou d’une autre, Macky Sall devra regarder les Sénégalais les yeux dans les yeux pour leur dire ce qu’il entend faire en 2024…


3E MANDAT : Ce que cachent les purges de Macky Sall
Les purges qui se succèdent dans la galaxie présidentielle en rapport avec l’évocation d’un 3e mandat qui serait impossible pour le futur chef de l’Etat sortant risquent de polluer le…mandat en cours de Macky Sall. Après Sory Kaba, le directeur général des Sénégalais de l’Extérieur, c’est au tour du ministre-conseiller Moustapha Diakhaté de passer à la trappe, les deux ayant allègrement et courageusement franchi les lignes interdites par le palais.
 
En attendant que les juristes continuent de s’écharper autour de l’article 27 de la Constitution, une situation inédite se pose. Dans la Constitution de 2016, le président de la République a souhaité régler définitivement cette question en posant l’acte suivant : «La durée du mandat du président de la République est de cinq ans. Nul ne peut exercer plus de deux mandats successifs.»
 
En principe, il ne devait plus y avoir de débat, d’autant que le chef de l’Etat lui-même est ensuite intervenu pour confirmer sa volonté : «Nul ne peut plus faire plus de deux mandats successifs.» Mais il se trouve que deux éminents juristes, les Pr Babacar Guèye et Jacques Mariel Nzouankeu, ont tenté de démontrer que la porte d’un 3e mandat successif reste quand même ouverte pour le président en exercice.
 
La faute, selon eux, à la suppression des dispositions transitoires contenues dans l’ancienne charte fondamentale et qui organisaient la dévolution et l’enchaînement des mandats. Encore qu’il faille noter que ces dispositions là n’avaient pas empêché Abdoulaye Wade de briguer un 3e mandat contre l’avis d’une majorité écrasante de juristes…
 
Protéger le mandat en cours ?
 
Il y a bien longtemps que le président Macky Sall ne s’est plus prononcé sur une question naturellement revenue au devant de l’actualité au lendemain de la présidentielle de février 2019. Il est donc utile et nécessaire pour la démocratie sénégalaise et pour la visibilité et la transparence des joutes politiques que la volonté originelle du chef de l’Etat de ne pas se représenter en 2024 fût réaffirmée avec force. Cela n’a pas été fait. Pour quelles raisons ? On l’ignore. Et c’est à ce niveau que réside une part du mystère qui entoure la démarche brutale de Macky Sall contre ceux de son camp qui lui suggèrent de penser déjà à sa reconversion dans moins de cinq ans.
 
Certes, il est dans son droit de vouloir protéger coûte que coûte un ultime mandat, celui de la réalisation du Plan d’action prioritaire de la phase 2 du PSE, contre les incontournables batailles de positionnement qui vont avoir cours au plus haut sommet de l’Etat et du pouvoir. Immanquablement, le choc des ambitions va opposer des «héritiers» plus ou moins légitimes qui vont se disputer la maîtrise de l’appareil d’Etat et des autres leviers censés être des outils stratégiques sur le chemin d’accès à la fonction suprême.
 
Le «sang» va couler à flot, il y aura des larmes et de la sueur, le bilan risque d’être lourd en termes de dégâts politiques dans la mouvance présidentielle. Les principales figures du régime porteuses de projet politique et désireuses de s’émanciper de la tutelle de Sall sortiront du bois à un moment ou à un autre pour affronter un éventuel système d’usurpation, quitte à coaliser avec des franges significatives de l’opposition et de la société civile dans un combat purement citoyen. In fine, le pays tout entier pourrait être en danger.
 
Macky Sall a-t-il l’intention de faire un 3e mandat consécutif en 2024 ? Après avoir dit publiquement «non» à cette perspective, le voilà dans le doute. Il doute fondamentalement de lui-même, de sa (bonne) intention originelle, de son avenir à la tête du Sénégal. Il ne semble plus avoir de certitudes saines sur le sujet tant est grand ce doute illégitime.
 
Pourtant, un mot, une phrase, une confirmation, nets et précis peuvent mettre fin à cette ambiance délétère qui commence à taper sur les nerfs. Nenni ! En lieu et place d’une réponse d’intérêt national, il érige la purge en un système d’autodéfense auquel il ne manque que les fusillades au poteau dans des zones sombres de l’arrière-pays pour tomber dans le stalinisme.
 
Macky Sall a-t-il parlé trop vite ?
 
Derrière ce silence bavard et dramatiquement vaudevillesque qu’il impose à ses ouailles, en gros une armée de fidèles sans ambition autre que de prolonger leur séjour sous les lambris du pouvoir, le chef de l’Etat engage une longue guerre d’usure contre lui-même, contre ses amis et ses alliés, du moins ceux qui ont à cœur de prouver que la politique peut encore compter sur des hommes et femmes intègres pour qui la parole d’un chef d’Etat équivaut à une loi.
 
Malheureusement, le président Sall est si mal à l’aise sur le sujet que ses états de services en matière de promesse politique et institutionnelle ne plaident pas en sa faveur. Son reniement spectaculaire sur la durée du premier mandat (2012-2019) est encore trop frais dans les mémoires. Digne de confiance ? Pour certains, la question ne se pose même plus, c’est dire…
 
Macky Sall a-t-il parlé trop vite ? Peut-être. Dans tous les cas, il est impératif qu’il  mettre fin à son jeu favori d’être en tête-tête avec lui-même quand l’intérêt national exige transparence et clarté chez le premier magistrat du pays. S’est-il rendu compte que l’inauguration d’une bonne partie des grands projets dits structurants de son cher Plan Sénégal Emergent pourrait avoir lieu en dehors du mandat actuel ? Probablement mais il est de notoriété publique que les hommes passent et que les institutions demeurent. Voudrait-il assurer ses arrières en promouvant un homme ou une femme capable de «gérer» les actifs et passifs d’un héritage alourdi par une mal gouvernance historique ? Ce serait «légitime» mais le Sénégal reste une démocratie jusqu’à preuve du contraire. 
C’est justement parce que nous sommes une démocratie – majeure, selon le président Macky Sall – que le genre d’incertitude entourant le mandat du chef de l’Etat est inacceptable. Vivement que le président de la République siffle la fin d’une récréation qui ne ressemble plus à rien.  
 

«DESIR» ET «VOLONTE» : Macky Sall ou le refoulé d’un scandale moral et démocratique
« La grâce est un pouvoir constitutionnel du président de la République. Ça ne dépend que de lui, et de lui tout seul, et de son appréciation. Donc je ne peux pas discuter de ce que dit la presse par rapport à la grâce. Le jour où j’en aurai la volonté ou le désir, je le ferai comme j’ai eu à le faire. »
 
Notre confrère de RFI qui a interviewé le chef de l’Etat sénégalais a sans doute eu froid dans le dos en entendant Macky Sall recourir à des mots aussi peu innocents que « volonté » et « désir » pour exprimer le caractère omnipotent de sa posture comme Administrateur général du dossier Khalifa Ababacar Sall. Dans les dédales de la littérature scientifique autour de ces deux vocables, les équivalents les plus fréquents sont : motivation cachée, insatisfaction, jouissance, besoin, manque à combler, etc. Et quand le sujet principal touche à l’adversité politique, cette association de mots a néanmoins le don de fournir des éléments de confirmation.
 
Dans aucun pays démocratique digne de ce nom, un président de la République ne prononcerait en public de tels mots à l’endroit d’un adversaire qui, à bon escient, se définit comme prisonnier politique du pouvoir régnant. «Désir» et «volonté» traduisent effectivement chez le président sénégalais la jouissance à centraliser à son niveau un conflit politique dont il tire les ficelles avec évidence depuis l’origine.
 
Ils sont l’expression d’une posture de puissance qui rappelle au monde politique sénégalais, en particulier aux récalcitrants opposés à la démocrature qui s’est installée depuis 2012, qu’il y a un chef à la barre. L’exposition d’un moi surdimensionné échafaudé dans l’accoutumance aux délices du pouvoir ressort de l’inflation de «je» : 4 à la suite dans une phrase de 21 mots, ce doit être un record mondial en la matière. Avec un tel environnement mental qui fait de l’épicerie politique une activité normale intégrée à la gouvernance du pays, il y a de quoi s’inquiéter.  
 
Dans un genre plus prosaïque, le président Macky Sall «promet» de faire du dossier Khalifa Sall ce qu’il voudra bien en faire. C'est-à-dire un objet de marchandage qui fera partie de son agenda politique. Au-delà de la mauvaise foi qui consiste à faire croire que tous les prisonniers de Rebeuss sont politiquement et socialement égaux, le chef de l’Etat semble considérer l’ex maire de Dakar comme une monnaie d‘échange et un moyen de pression dans le cadre des campagnes politiques à l’horizon. De quelles façons ? Lui seul le sait. Mais au final, ce ne pourrait être qu’un scandale démocratique. Un de plus, et certainement pas le dernier. L’avenir de Khalifa Ababacar Sall lui appartient, estime-t-il. Mon Dieu !

GMS: Le pouvoir aux prises avec « son ennemi numéro 1 »
Arrêté le 16 juillet dernier et inculpé trois jours plus tard pour « diffusion de fausse alerte au terrorisme », Guy Marius Sagna est l’objet d’une attention particulière, notamment des organisations de la société civile sénégalaise dont il est devenu un moteur essentiel en termes de mobilisation sur plusieurs fronts de lutte. « Son incarcération suscite l’indignation de la société civile qui appelle à une manifestation vendredi 2 août » à la place de la Nation, écrit le site Mediapart. « Le 26 juillet, Amnesty Sénégal, la Ligue sénégalaise des droits de l’homme (LSDH) et la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho) ont demandé sa libération et dénoncé une atteinte à la liberté d’opinion », poursuit notre confrère.
 
 « Guy Marius Sagna incarne la radicalité la plus profonde au Sénégal »
Pour le ministère de la Justice interrogé par Mediapart, le militant ‘anti-impérialiste’ a été arrêté « suite à une enquête relative à une déclaration du mouvement Frapp France Dégage faisant état
D’un attentat que la France préparerait sur le sol sénégalais. Une telle déclaration peut porter atteinte à la sécurité des citoyens français vivant au Sénégal, mais aussi installer la peur dans le pays. L’Etat, en tant que garant de la sécurité des personnes et des biens, a agi pour tirer cette affaire au clair. » Néanmoins, relève Mediapart, Sagna n’est ni coordonnateur ni porte-parole de Frapp France Dégage. En sus, il « n’était pas présent » à la conférence de presse d’où est sortie la déclaration sur « l’alerte au terrorisme ».
 
En réalité, souligne Me Assane Dioma Ndiaye, président de la Ligue sénégalaise pour les droits humains (LSDH), la procédure enclenchée par les autorités sénégalaise n’est pas « innocente », elle vise à réduire au silence « l’ennemi numéro un du régime », « celui qui incarne aujourd’hui la radicalité la plus profonde au Sénégal. » C’est pourquoi Me Amadou Diallo estime qu’il y a « acharnement » contre son client.
 
Interrogé également par Mediapart, Me Koureyssi Bâ abonde dans le même sens. « C’est une dérive inacceptable qui atteste d’un recul des libertés et droits fondamentaux au Sénégal. Il ne se passe plus de jour sans qu’ils soient menacés : on écroue des lanceurs d’alerte parce que ce qu’ils disent ou écrivent gêne au plus haut niveau. C’est affligeant, triste et révoltant. » Il ajoute : « En toile de fond, il y a le scandale concernant les hydrocarbures, la gestion des minerais et des marchés publics, c’est-à-dire tout ce que dénoncent les lanceurs d’alerte, activistes et blogueurs. Ils défendent les intérêts des Sénégalais, mais c’est un combat qui est mal accepté par les autorités. »
 

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