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EDITORIAL
Le failli et la baïonnette !
Cela ne fait plus aucun doute : notre Président a fait faillite. Politiquement. Moralement. Personnellement. Et plus gravement encore que ce que l’on peut en dire ! Ce ne sont pas les litanies sur les «réalisations grandioses» de son gouvernement, ni les fanfaronnades de la cour, ses obligés autour d’une gouvernance proprement hallucinante de carence qui changeront la donne. Clairement, cet homme n’a visiblement pas l’envergure et les capacités pour diriger ce pays à l’abri des clans et des lobbies d’influence.
 
Ses limites objectives (où celles de ses collaborateurs), percevables dans les jeux de yoyo auxquels il nous a habitués, ont déjà coûté plusieurs dizaines de milliards de francs Cfa aux finances de l’Etat. Clairement, sa gouvernance chaotique et ombrageuse est un contre-modèle fondamental dont une République et un Etat soucieux de principes de justice et d’équité ne pourront jamais s’accommoder. Clairement, sa propension à favoriser les membres de sa famille et à protéger ses amis en font un adepte irréductible du principe partisan. Quand on est capable d’offrir une promotion imméritée à une personne inculpée et en attente de son jugement, on ne laisse pas tomber les siens quoi qu’ils fassent. Mais les autres, adversaires radicaux comme Ousmane Sonko, il les fait passer à la baïonnette de «ses» décrets… A qui le tour ? 
 
Aujourd’hui, nous sommes en droit de nous poser des questions sur la trajectoire du Président, ses objectifs immédiats et futurs, ses réseaux d’amitiés et de soutien d’ici et d’ailleurs… Pourquoi ? C’est simple : voir un chef d’Etat «muter» aussi radicalement au contact du pouvoir politique suprême n’est pas anodin. Sa nervosité légendaire n’était pas inconnue de tous, de même que son autoritarisme fiévreux. Ce qui semble nouveau, c’est son aptitude mécaniquement réfléchie à «gérer» ses dossiers avec des états d’âme à géométrie variable. Le tout, entre des tentatives forcées de sourire en coin, une allergie inquiétante à la critique qui dérange, des silences prolongés…
 
Heureusement, en arrivant au pouvoir, il connaissait ses faiblesses. Une vigilance et un réalisme qui l’ont aidé à dompter le trio infernal de vieux briscards à l’origine de la décadence du plus vieux des partis politiques sénégalais, aujourd’hui sans plus aucune perspective de grand large. Il y a réussi au-delà de toute espérance. Il était une fois notre Président…

 

«On gagne puis on voit ! »
Les grandes gueules médiatiques et professionnelles d’hier, si promptes à culbuter – c’était avec raison - la moindre des incartades d’Abdoulaye Wade et de son régime de patrimonialisation, ont déposé les armes, peu désireuses de cracher sur une soupe Sall aux servitudes trop contraignantes. Les politiciens dits de gauche et leurs congénères de la social-démocratie compradore ont accepté l’humiliation du silence contre des maroquins : assemblée nationale, haut conseil des collectivités territoriales, ministères, présidences de conseil d’administration (ou de surveillance), grands et petits programmes à milliards de francs Cfa, jeunes politiciens turbulents casés dans les structures d’Etat… Des activistes de la société dite civile ne savent plus où situer la place de l’Obélisque sur une carte, un lieu qu’ils se faisaient un honneur citoyen d’envahir au moindre toussotement entendu de l’avenue Senghor…

Le partage du gâteau de la victoire de 2102 est une réalité inédite par son ampleur et sa profondeur dans les corporations militantes d’hier. Celles-ci ont choisi de faire comme l’autruche : ne rien voir, ne rien entendre, ne rien savoir, ne rien dire d’autre que des baragouins. Elles sont devenues prisonnières de la logique de prébende instaurée par le prince et ses affidés. Vivre un âge d’or vaut quelque sacrifice, même celui de l’honneur !

Depuis longtemps, des voix avaient commencé à attirer l’attention de l’opinion sur l’accumulation de signes de dérapage anti-démocratique dans la politique du chef de l’Etat. La coupe a fini par être pleine. 

Aujourd’hui, le régime de Macky Sall ne prend plus de gants dans la répression des libertés fondamentales, la gestion journalière des scandales économiques et financiers, le flicage et la persécution de citoyens qui auraient le tort d’être des concurrents politiques. Il agit au grand jour, l’air imperturbable, en instrumentalisant des institutions et des hommes normalement dédiés au service de la république, mais claustrés dans un projet partisan.

L’hypocrisie est de mise. C’est ce qu’il se passe avec Ousmane Sonko, entre autres. Le chef de l’Etat instrumentalise les députés (qui ne savent plus ce qu’est une proposition de loi) pour faire passer son projet de loi sur la binationalité. Mais quand le président de Pastef révèle que les membres de la famille  de Macky Sall ont tous la nationalité américaine, personne ne le dément ; les fédayins si courageux dans l’insulte et les propos de borne-fontaine se terrent, en attendant que les choses soient clarifiées à leur niveau. Comment un président de la république peut-il être à ce point non exemplaire sur un sujet que lui-même porte en flambeau ?
Ce régime cultive le paradoxe : il a tous les moyens de l’Etat à sa disposition, mais sa frilosité dépasse l’entendement : même des mouches qui auraient l’outrecuidance de venir bourdonner aux alentours des oreilles du prince risquent désormais la traduction devant un conseil de discipline ! C’est un signe de fragilité, inhérent à l’exercice illégitime du monopole de la violence…légitime. «A force d’aller au fond de tout, dit Hippolyte Taine, on y reste.»

En mars 2012, début de ce cauchemar imprévu, on aurait pu nous dire, en lieu et place des fariboles sur gestion sobre et vertueuse, respect des libertés, justice et équité et tutti quanti : «On gagne et puis on voit.» Un grand chef l’avait fait quelques siècles auparavant : Napoléon Bonaparte. C’était honnête ! (Momar Dieng)
 
 

Le «Lion» caché dans la gadoue !
Ousmane Sonko avait donc raison : un bourreau caché avait décidé de lui couper la tête. A tout prix. Qui instrumentalisait des institutions et des hommes pour s’acharner sur un adversaire politique extrêmement déterminé, sachant dire ce qu’il avait à dire, dans un timing parfaitement mis en scène, de manière percutante et ciblé.
 
Ousmane Sonko avait donc raison : son bourreau caché était l’autre. Le très courageux «autre». Celui qui s’était dissimulé (déjà) derrière des «sages» pour renier un fameux engagement dont les conséquences lui colleront éternellement à la peau. Ce très courageux «autre» dont on semble apercevoir la silhouette rondouillarde dans tous les grands coups tordus qui balafrent la gouvernance démocratique et transparente de l’Etat et de la République. Ce très courageux «autre» qui donne des coups en dessous de la ceinture – décret de révocation d’un autre qui agit à visage découvert - et qui s’en va finasser dans les cercles pompeux de la coopération internationale. Ce très courageux «autre» qui, sur place, va plaider pour la révision des législations pétrolières africaines alors que de très forts soupçons de délits d’initié entourent ladite question dans son propre pays… Mais il est peinard car d’autres fonctionnaires, plus pantins que patriotes traduisent sa volonté en acte : ils sont ses serviteurs. On est tombé dans la gadoue. Pour notre malheur.
 
Un lion, «l’autre» ? Tant mieux pour lui s’il croit l’être. Le problème ? On ignorait juste que le roi de la jungle se postait en queue de meute – en dormant – et observait ses «enfants» faire la chasse à sa place…
(Momar DIENG)
 

 

Loyauté et lucidité
«Il n’ya point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice.» (Montesquieu)
 
Quand il s’agit de protéger la République contre des intrusions pernicieuses qui visent son accaparement à des fins de domination et de patrimonialisation, il importe que cela se fasse de manière moins spectaculaire, moins hypocrite et plus en rapport avec l’intérêt général. Pour la «sécurité» de notre pays – quoique ce concept soit devenu tout à fait relatif aujourd’hui - il est impératif que les postulants à des fonctions suprêmes comme Président de la République présentent un certain profil à plusieurs niveaux.

A cet effet, il est salutaire que la Constitution ait déjà réglé la question de la nationalité en ce qui concerne le chef de l’Etat. Les complexités liées à la mondialisation et aux compétitions économiques transfrontalières qu’elle sécrète, aux nouveaux paradigmes qui sous-tendent l’espionnage à tous les niveaux, humains comme technologiques, commandent la mise en place de principes de précautions minima pour sauver ce qui peut l’être – eu égard à nos faiblesses.

Problème. Il n’est pas certain que ces éléments là soient le souci fondamental de nos dirigeants lorsqu’ils envisagent de fermer l’élection présidentielle à certains Sénégalais qui seraient «coupables» de posséder une ou plusieurs autres nationalités. Ils sont beaucoup moins ambitieux que cela ! La trame de fond de ce projet de loi contre les binationaux tel qu’il a été présenté n’est qu’une tentative politicienne de mettre hors-jeu des compatriotes dont on craindrait le comportement électoral.

On ne protège pas la République par des étincelles qui peuvent finir en giga-incendie, par une loi de circonstance qui – sait-on jamais  – peut réveiller des particularités dormantes capables, demain, de brûler nos diversités particulières si enrichissantes. C’est pourquoi cette initiative que le président de la République fait porter à l’Assemblée nationale ne peut être qu’un archaïsme porteur de dangers en plus de fragiliser l’ensemble national sur ses flancs.

Les hommes d’Etat conscients de leurs responsabilités ne s’engagent jamais dans ce type de projet sectaire. Et même après un premier pas, ils prennent le temps d’écouter plus leur peuple que les flagorneurs impénitents adeptes de la conflictualité permanente et des aventures ambiguës sans fin. La conservation du pouvoir n’a de sens que dans la mesure, la loyauté et la lucidité.
 
 

EDITORIAL République accaparée mais… !

Pas à pas. Brique par brique. Palier par palier. Cela va prendre du temps, mais il viendra un jour – si Dieu le veut – où les institutions de l’Etat seront en mesure de contraindre n’importe quel Président de la République en fonction à être un citoyen bénéficiant juste de privilèges et de prérogatives dus à son statut. Les prémisses de cette perspective qui rendent la démocratie agréable et salutaire pour tout un chacun sont sous nos yeux. Les combats du colonel de gendarmerie Aziz Ndao et du commissaire de police Cheikhouna Kéïta ne seront pas vains, ni ceux de Nafi Ngom et d’Ousmane Sonko.

Un jour ou l’autre, ils contribueront à sortir ce pays du conservatisme de gribouille sur lequel reposent les influences mafieuses qui maintiennent le Sénégal dans une botte de conneries et de pratiques préjudiciables à notre avenir à tous.
Il arrivera un jour où aucun Président de la République, Premier ministre ou ministre n’osera défendre l’indéfendable, ni dans le secret de sa conscience et de son cabinet, encore moins publiquement.

C’est l’espoir que nous percevons dans les désordres quotidiens et inimaginables qui jonchent les chemins escarpés de la gouvernance actuelle. Ce qui est étalé sous nos yeux n’est possible que parce qu’il y a, tapis dans les interstices de l’Etat et de la République, des forces rétrogrades dont le précepte doctrinaire fondamental est «Rien ne bouge». C’est cette volonté de puissance qui va déterminer, par exemple, l’exposition politicienne de la vie privée d’un homme politique qui a décidé d’aller à la conquête du pouvoir. C’est la même force puissante et tentaculaire qui va gentiment «conseiller» à Nafi Ngom de «laisser tranquille» un magistrat supposé ne pas être assujetti à la déclaration de patrimoine. La même qui fait passer à l’assemblée nationale une loi de circonstance scélérate sur la binationalité… la même qui…

La guerre des pouvoirs a lieu sous ces formes, entre chasse aux sorcières, inquisitions sous le couvert de la puissance publique et offres de recyclage dans le «système». Elle oppose ceux qui ont en main le monopole de la violence légitime aux serviteurs d’une res publica devenue objet d’accaparement et de patrimonialisation.

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