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Chronique sociale - A la découverte du prince des arenes, Zassou Ndiaye de Yène Dialaw

Mardi 7 Juin 2022

Madi Waké Touré, chroniqueur social
Madi Waké Touré, chroniqueur social
Je viendrai souvent sur cette page, parler d’hommes et de femmes qui ne font pas toujours la une des médias mais qui n’en restent pas moins de grands hommes ou éminentes dames parce que passeur d’idées,  de générosité,  d’ambition ou tout simplement  d’amitié entre les hommes. Je parlerai d’hommes et de femmes qui ne sont pas riches matériellement parlant mais qui le sont de  leur humanité, de leur grandeur d’âme, de leur générosité de cœur et d’esprit.
 
Cela dit, témoigner n’est pas facile. C’est un exercice difficile au motif que connaître l’homme dans toutes ses facettes, n’est pas chose aisée. C’est à ce point vrai que l’ancien guinéen, Sékou Touré disait  à juste raison : « L’homme c’est l’inconnu, connu ! » C’est dire ! Mais l’essentiel et le plus fondamental pour moi quand le tribunal de ma conscience va m’interroger et me questionner, que je n’aie pas honte de moi-même pour avoir dit des choses mensongères.
 
Plaise à Dieu que dans cette belle activité à laquelle je vais me livrer de temps à autre, je ne puisse dire que la vérité.
 
Cela dit, il est temps qu’on rompe définitivement avec cette fâcheuse habitude sénégalaise qui consiste à ne célébrer l’autre qu’à sa mort. Nous tous, nous nous rappelons ce mot teinté d’aigreur et d’agacement de ce célèbre tambour major pour dire à la face du monde qu’il ne souhaitait pas à sa mort bénéficier d’un hommage posthume. Il ajoutait que si les gens veulent le célébrer, qu’il le fasse de son vivant. Il n’avait pas tort ! Mais bon, le Sénégal étant ce qu’il est ! Nous savons tous ce qu’on a fait après sa mort de son …fameux cri du cœur.
 
Des hommages appuyés de partout avec comme suprême consécration, son nom au fronton du Grand Théâtre. Y a problème, mais allez comprendre nos« sénégalaiseries ».
 
M’inscrivant radicalement à contre-courant de cette façon de faire à la « sénégalaise », j’ai décidé de faire focus sur un homme que je connais assez bien pour avoir vécu dans sa maison pendant de longues années.
 
Directeur du Centre de Promotion et de Réinsertion de Yene (CPRS), j’ai pu nouer des relations fortes avec les jeunes de la zone. Et parmi ces derniers, un fils de Zassou à qui je fis part de mon désir de trouver un logement. Il s’en ouvre à son père qui venait de terminer la construction d’un deuxième bâtiment. Son accord obtenu, je regagnais avec ma famille la maison de Zassou. J’y ai vécu une dizaine d’années au cours desquelles pas une seule fois, je n’ai senti mon statut …d’étranger. Zassou me considérait comme son propre fils. Il me confiait des secrets en tous genres et m’associait à tout ce qui se faisait dans la famille. La preuve, quand il s’est décidé à octroyer un terrain à chacun de ses enfants, il m’a appelé au téléphone pour me dire que tu as ton lot ici.
 
Zassou est un homme entier qui ne sait pas tricher. Il ne dit que la vérité contrairement à beaucoup de sénégalais qui n’ont aucun respect pour la parole donnée. Hélas !!!
 
Vingt ans de présence active à Yene Dialaw, me confèrent la connaissance des hommes et femmes qui habitent cette localité.
 
Mais qui est ce Zassou Ndiaye que les férus de lutte d’un certain âge, connaissent bien pour avoir marqué d’une pierre blanche son passage dans l’arène. Le célèbre reporter, Alassane Ndiaye Alou(ANA), dans une de ses envolées lyriques dont lui seul avait le secret, disait de Zassou qu’il était un artiste né.
 
Fasciné par la belle allure et la prestance de cet athlète qui ne laissait personne indifférent, ANA de s’écrier un jour au micro : « Zassou serait un footballeur, il ferait alors partie des meilleurs ailiers droits d’Afrique ». Cet hommage venant de la part de ce journaliste émérite vaut son pesant d’or.
 
Zassou, un nom qui a fait les beaux jours de l’arène sénégalaise, est un surnom que les gens lui ont donné et qui est resté. Zassou est le diminutif de « Zassoumane ». A une certaine époque, les hommes qui avaient fière allure et qui savaient s’habiller classe, on les appelait « Zassoumane ». Casquette « Edgan » vissé sur la tête- rares sont les personnes qui à l’époque pouvaient se procurer ce gadget-avec port de lunettes noires fumées, Zassou faisait tomber en pâmoison certaines femmes. Zassou était leur chouchou.
 
Son véritable patronyme est Boubacar Ndiaye. Un homme qui a su au travers de comportements à la fois responsables et dignes, se frayer une place enviable dans la mémoire collective.
 
Avant d’en arriver aux combats qu’il a livrés et autres, je voudrais m’intéresser un peu à la jeunesse de Zassou. Comme beaucoup de garçons de son âge, il fit ses premières humanités au daara de Baye Seydina Yada à Somone. Il y passa quelques années avant de retourner dans son village natal. Aux côtés de son père, il se mit au travail de la terre. Et ce n’est qu’en 1944 qu’il se décida à venir à Dakar pour la première fois. Il y exerça de petits boulots pour quelque temps. Mais l’appel du royaume d’enfance pour reprendre les mots du poète se fit pressant, il retourna au bercail.
 
En 1947, nouveau retour à Dakar. Il travailla successivement aux Grands moulins de Dakar, au Port et à l’ONCAD. Il fit un bref passage en Guinée -Conakry en 1949. Il apprit à conduire les grands engins dans ce pays.
De retour à Dakar, son objectif premier, c’était d’avoir un permis de conduire. Il finit par l’avoir en1954.
 
Les années passant, le virus de la lutte finit par l’habiter : « Mon premier combat, je l’ai livré avec Ousmane Mbengue de Mbao. Sorti victorieux de ce combat, je perçus un cachet de 10000 FCFA ; mon adversaire, 5000 FCFA. A l’époque, Madi, ces sommes constituaient une petite fortune. Pour le combat revanche, il prit le dessus sur moi et empocha la bagatelle de 15000 FCFA ; quant à moi, je reçus 5000 FCFA ».
Son cachet le plus important dans l’arène, c’était contre, Landing Diamé : 100000 FCFA.
 
Côté satisfaction toujours, Zassou se rappelle ce geste d’une grande dame de la place qui avait pignon sur rue : « A l’issue d’un combat épique où je sortis victorieux contre un adversaire de taille, cette femme distinguée dont je tairai le nom et appartenant à une certaine classe sociale, m’offrit à la surprise générale un bracelet en or massif. » Je remis la parure à mes accompagnants. Ils s’empressèrent d’aller la vendre sans même m’en informer : « L’argent, je n’ai jamais fait une fixation dessus. Je le distribuais comme je le recevais ! »
Un grand homme, on vous dit ce Zassou !
 
Zassou en prince de l’arène, avait ses supporters et ses fans dans tous les milieux. Mais comme on dit, toutes les belles choses ont une fin. En 1963, Zassou se résolut à abandonner définitivement la lutte. Auparavant, il s’était payé une voiture, 4 CHEVAUX : « De Toubab Dialaw, à Yene Todd, je suis le premier à disposer d’une voiture. C’était en 1960 ! Le bâtiment que j’ai construit dans la même période, orné de fleurs, suscitait la curiosité des passants. Certains blancs n’hésitaient pas à s’introduire dans la maison pour admirer le panorama. »
 
Après avoir quitté le milieu de la lutte, Zassou fera du transport de marchandises avec son camion. Ce n’est qu’au tournant du millénaire, après2000, qu’il prit la décision de vendre le camion et de prendre sa retraite.
 
En inactivité, Zassou s’investit dans le Social. Il reçoit chez lui des hommes et femmes qui viennent de tous les horizons, orientant et prodiguant des conseils tirés d’une vie bien remplie.
 
Habité d’une bonté sans pareille, Zassou se décida à aider ses parents lébous en morcelant son vaste champ pour en faire des terrains à usage d’habitation distribués gratuitement. Votre serviteur a eu la chance d’en recevoir. Je n’ai pas demandé ! Il en vendit seulement quelques parcelles. Le produit de cette vente est allé à différentes mosquées de la zone. Certaines ont reçu des sommes tournant entre 1.000.000 et 1.500.000 FCFA.
 
Quand on connait la relation fusionnelle du lébou avec la terre, on comprend mieux la grandeur morale de cet homme. Il pouvait se faire beaucoup d’argent mais il a préféré investir dans le champ du Social en permettant à une dizaine de mosquées en construction d’achever leurs travaux.
 
Zassou en homme de bonté au grand cœur, ne pouvait ne pas recevoir de son vivant l’hommage de ses pairs. En 1999, il fut élevé à cette haute distinction honorifique dans le milieu lébou avec le titre de Ndèye Ji Réew. C’était en présence de feu Bassirou Diagne, grand Serigne de Dakar, de l’ancien ministre socialiste, Alassane Dialy Ndiaye, des notables et hautes autorités coutumières.
 
Que dire pour le mot de la fin ? C’est la lutte qui a révélé au monde, Zassou. Ce sport de combat va rester une passion pour lui. Et ce témoignage qu’il porta sur deux grands champions, vaut le détour: « Mbaye Gueye, tigre de Fass, fut un lutteur impressionnant par son courage physique exceptionnel. Mbaye Gueye croyait dur comme fer qu’il pouvait terrasser tout lutteur qui se présentait devant lui. Quant à Robert, il fut un technicien hors pair qui pouvait se sortir de toutes les situations désespérées, tellement il maitrisait tous les arcanes de la lutte. »
 
Dieu fasse, dans son infinie bonté, que nous soyons tous là pour célébrer le centième anniversaire de cet homme foncièrement bon, Zassou pour lequel j’ai énormément de respect, d’estime et de considération.
 
Madi Waké TOURE
tmadi70@yahoo.fr
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