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CHRONIQUE SOCIALE - Et si le « ndogalouyala » traduisait une démission de notre part ?

Mardi 31 Mai 2022

Madi Waké Touré, chroniqueur social
Madi Waké Touré, chroniqueur social
Des milliers de morts sur nos routes ! Des éclopés à vie pour faits d’agressions ou d’accidents de la route !  Des décès à la pelle dans nos hôpitaux pour négligences coupables ! Des meurtres exécutés de sang froid pour des peccadilles dans nos rues et quartiers !
 
Ce tableau apocalyptique est loin de camper, dans toutes ses facettes, les dures réalités auxquelles les populations sont confrontées.
 
Il est vrai que la mort est présente sous tous les cieux. Elle peut frapper indistinctement et à tout moment. Aucun groupe ou classe sociale n’est épargné par le phénomène de la mort. Constat d’évidence, me direz-vous ! Exact !
 
Alors, faut-il en rester au constat ? Non ! Pourquoi la distribution de la mort entre les continents se fait de manière si inégalitaire ? Pourquoi la mort frappe d’une manière si terrifiante les populations africaines ? Et elles seulement !
 
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) renseigne : « Avec 2% du parc automobile mondial, l’Afrique enregistre 24,1%des victimes de la route en 2016. »
 
Cette hécatombe qui frappe le continent africain, disproportionnée par rapport au réseau routier comme au nombre de voitures en circulation, m’amène à poser cette question aux partisans chevronnés du « tout Ndogallu Yala » : le Dieu qu’ils invoquent et célèbrent à tout bout de champ, serait-il à ce point si injuste pour ne tuer que les africains ? Et en masse !
 
Mais là il sera peut-être difficile de trouver une personne sensée pour expliquer ce déséquilibre en notre défaveur en convoquant le « Ndogallu Yala ».Le faire, c’est prendre Dieu pour un partisan qui prend fait et cause pour les autres. Tout cela pour dire, à mon humble avis, que le « Ndogallu Yala » est une construction sociétale ne reposant sur aucune base scientifique sérieuse ni même …religieuse
 
Au fait, qu’est que le « Ndogallu Yala » ? La croyance au destin est une chose répandue. De tout temps, l’homme a essayé de comprendre les mystères de la vie et de découvrir une logique dans la succession des événements.
 
Le destin est l’une des notions religieuses les plus anciennes et les plus répandues. François Jouan, directeur du Centre de recherches mythologiques de l’université de Paris X, écrit : “ Il n’y a pas d’âge, pas de civilisation qui n’ait eu foi en des divinités maîtresses du destin des mortels et qui n’ait imaginé des mythes pour expliquer tout ce qui est inexplicable dans notre existence. ” C’est pourquoi on entend couramment des personnes dire : “ Ce n’était pas son heure ”, ou : “ On n’échappe pas à son destin. ” Mais qu’est-​ce que le destin ?
 
Pour, Alain Pascal Kaly, Dr. Sociologie, Professor Universidade Federal Rural de Rio de Janeiro. UFR : « Dans le terme « Ndogallu », nous avons deux verbes wolofs. L’un qui est « dog » signifie couper et l’autre « ndogal » correspond à décider, à trancher. Ainsi, l’expression « Ndogalluyàlla » renvoie au décret divin, c’est-à-dire une décision prise d’avance par Dieu, et quoi que nous fassions, nous ne pouvons empêcher que cela se concrétise. Dans ces conditions, tout ce qui arrive est nécessaire et nous sommes convaincus que nos actes positifs ou néfastes sont l’expression de forces transcendantes. ».
 
Cette définition répond parfaitement à mes préoccupations. J’ajouterai seulement que le Ndogallu Yala est un système de pensée que l’on convoque pour interpréter la réalité « faussement » en faisant appel le plus souvent au décret divin.
 
Cette conception fortement erronée du « Ndogallu Yala » cause énormément de torts à notre société. En déresponsabilisant et en mettant tout   sur le compte de Dieu, on finit malheureusement par installer la société dans une chienlit aux conséquences désastreuses. Suivez mon regard !
 
Ces bébés morts à Tivaouane dans des conditions atroces, on pouvait bel et bien éviter ce drame  si des mesures idoines étaient prises. A temps ! Mais comme toujours on fait dans le laxisme…criminel jusqu’à ce mort d’homme s’ensuive ! Ici c’est malheureux, on attend que la catastrophe arrive pour déverser un tombereau de larmes tout en surfant dans l’émotion avec le recours systématique et sans gêne au fameux « Ndogallu Yala ».
 
Il faut qu’on soit plus rigoureux et plus sérieux dans ce pays-là si nous voulons le placer un jour sur une rampe de l’émergence. Car  cette conception rétrograde et anti -progrès que nous avons du « Ndogallu Yala » ne nous mènera in fine que vers la déchéance morale et matérielle. Toutes les nations sérieuses qui caracolent vers le sommet du développement ont rompu depuis des lustres et définitivement avec cette intellection qui veut qu’il y ait un programmeur céleste qui règle la vie dans ses moindres détails.
 
En vérité, aucune nation au monde ne peut puiser sa grandeur dans des faits et gestes aux antipodes de toute rationalité. Un coup d’œil sur nos comportements et attitudes à tous les niveaux, révèle que tout dans nos manières de faire et de voir, suinte le fatalisme, l’injustice, le parti-pris, la désinvolture et l’indiscipline.
 
Il est permis de demander au vu de tout ce qui précède, si nous pouvons espérer un jour nous en sortir avec ce fond culturel mâtiné à la sauce magico-religieuse et qui veut qu’on rapporte tout à un destin immuable ? Pour trouver réponse à ce questionnement, j’ai jugé utile de recueillir l’avis de quelques spécialistes des questions religieuses.
 
Pour Cheikh Ousmane Diop (COD), islamologue, guide religieux de son état: « Notre conception du « Ndogallu Yala » heurte le bon sens et n’est nullement compatible avec les exigences du développement. Nous ne sommes pas entreprenants et aimons la facilité ! Un homme qui baisse les bras ne doit s’en prendre qu’à lui-même et pas à Dieu. Le fatalisme est la porte ouverte à l’insouciance, à la paresse, à l’irresponsabilité. La façon dont nous interprétons le « Ndogallu Yala » n’est pas porteur de développement. Au contraire !
 
De l’indépendance à nos jours, le Sénégal n’a pas avancé mais il a reculé. La preuve de ce recul, c’est la dégradation continue et accélérée des mœurs. Le colon qui était là, bien que n’ayant pas les mêmes croyances que nous, se gardait de cracher ou d’uriner dans la rue, de faire main basse sur l’argent de la collectivité. Même s’il y en a parmi eux qui le font, c’est une infime minorité. Toutes les belles dispositions morales qui faisaient notre force, nous les avons abandonnées au profit d’antivaleurs qui nous tirent vers le bas. Et pour justifier notre descente aux enfers, on convoque avec la désinvolture qui nous caractérise le « fameux Ndogallu Yala ».
 
Ces propos fort justes de COD ne déparent pas avec ceux de Oustaz Mor THIAM de la RFM : « Su Yala amone bajèn, bajèn bi dina xulo ba tayi ndax, linuy ték ci ndodam » ; autrement dit : « Si Dieu avait une marraine, celle-ci passerait tout son temps à le défendre au motif qu’on l’accuse de tout ». Poursuivant sa réflexion, OMT, renseigne que le décret divin, version sénégalaise, n’est que de l’indiscipline caractérisée, pas autre chose. Ici, ajoutera-t-il les gens fonctionnent sur le registre de « matay » i.e. du « je m’en foutisme ». Vous circulez en pleine chaussée, une voiture vous heurte et on invoque sans discernement la dictature du destin. Ce n’est pas sérieux ! »
 
Renchérissant dans le même sens que son collègue, OMT, Ibrahima Badiane plus connu sous le nom de Iran Ndao dira à peu près la même chose : « Ce que l’on appelle le destin préétabli c’est-à-dire cette force aveugle qui dirigerait nos vies comme bon lui semble, ne résiste pas à une analyse sérieuse. Ce qui se passe chez nous, ne peut être assimilé qu’à de l’indiscipline. C’est tout ! »
 
Continuant sa démonstration, il fera appel à un écrit de Serigne Touba pour mieux conforter sa thèse : « Quiconque fait tout ce que bon lui semble, croisera inéluctablement sur son chemin quelque chose qui va lui déplaire. » 
 
Ces différents éclairages qui portent la signature d’éminents islamologues, montrent, si besoin en était, que la lecture que nous avons du « Ndogallu Yala » n’est pas la bonne et qu’il y a urgence de refonder notre rapport à lui pour le coller aux exigences d’un monde en perpétuel changement. Ecoutons à ce sujet, Mbaye Sy Abdou (Ndiol Fouta), cité dans un commentaire par Amadoo Bator Dieng dans le Net : « Acheter un bateau de 500 places défci 2000 personnes. Bu souxé yoonu Yàlla nékouci" ». Voilà qui est clair et bien dit !
 
Compte tenu de tout ce qui précède, il y a nécessité vitale pour nous de faire le choix décisif, que dis-je, le choix rédempteur, face à une alternative implacable: suivre la pente de la facilité comme nous l’avons fait jusqu’ici et nous enfoncer ad vitam aeternam dans la médiocrité, ou rompre définitivement avec les croyances fatalistes pour nous arrimer sur la voie du progrès. A nous de choisir.
 
Se défausser sans cesse sur la volonté divine, c'est abdiquer ses propres responsabilités, voie ouverte à l'inertie, et moyen de justifier sa propre apathie.  Système de pensée qui estime que ni l’intelligence ni la volonté humaine ne peuvent modifier le cours des événements, qui comme tel, impliquerait l’inutilité de l’effort, est une fuite en avant, aux conséquences catastrophiques. Le pire guette une société qui se laisse aller, et s'en remet à la fatalité.
Madi Waké TOURE
tmadi70@yahoo.fr
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1.Posté par Me François JURAIN le 09/06/2022 10:21
Les voix religieuses s'expriment, mais les voix civiles peuvent faire le même constat.
A mon ancien chauffeur, qui était toujours à court d'argent, je lui posait la question: combien as tu d'enfants? Il pensait en avoir quatre, et comptait prendre une deuxième épouse, à qui évidemment il allait faire d'autres enfant, alors même qu'il avait, avec ce qu'il gagnait, des difficultés à se nourrir lui même! Je lui conseillais de se calmer un peu, et sa réponse fut immédiate: les enfants, c'est Dieu qui le veut! Je lui expliquais que, non, depuis que le monde est monde, un enfant, ca se fabrique avec une verge et un vagin, et Dieu n'a pas grand chose, sinon rien à y voir la dedans!!! Voyant qu'il n'était pas convaincu, et en désespoir de cause, le lui ai répliqué, alors qu'il me demandait (encore) de l'argent pour payer je ne sais quoi pour les enfants: envoie les factures à Dieu, puisque c'est lui qui l'a voulu!
Dieu, et quelque soit la religion, on a tendance à le mettre à touts les sauces, et surtout les mauvaises.
Mais revenons sur terre: ce qui se passe sur les routes du sénégal explique tout le malaise qu'il ya dans la société sénégalaise.
Les accidents de la route sont la première ou une des premières causes de mortalité dans le pays. Et malheureusement, cela ne changera pas, car il s'agit essentiellement d'une volonté politique.
Lorsque je suis arrivé ici, pour y vivre, il y a déjà quelques années, je ne comprenais pas la manière de conduire des sénégalais. Je me suis dit "il y a quelque chose qui m'échappe" j'ai voulu comprendre, je me suis donc inscrit dans une auto école pour passer mon permis de conduire. Déjà, première difficulté: pourquoi tu t'embête à passer le permis! pour 200.000FCFA, tu peux acheter un permis plus vrai que vrai! Passant au dessus de ces vilaines considérations, qui sont malheureusement habituelles, je me suis inscrit à l'auto école, et j'ai commencé par préparer le code: pas de problème, le code est le même qu'en FRANCE, à quelques variantes prêt. Je me suis rendu à l'examen: déjà première surprise: il y a un examen pour ceux qui savent lire, et un autre pour ceux qui ne savent pas lire! Comment peut on conduire sans savoir lire? IL n'y a pas que des images, sur les panneaux! J'ai donc réussi mon code, et du premier coup: j'étais très heureux, car en plus, dans cette préparation, j'avais appris des choses que j'avais oublié. Puis vient l'épreuve de la conduite: on m'explique que pour la conduite, il faut simplement faire un créneau! Là,je tombe des nues! comment peut on savoir conduire, en ne faisant qu'un créneau? Conduire, c'est du sérieux, ne jamais oublier qu'une voiture, c'est une arme par destination! et que le permis de conduire n'est pas un permis de tuer!!! Je passerai sur les conditions dans lesquelles j'ai eu mon permis volet "conduite", malgré mes réticences et mes refus, mais j'ai quand même décroché mon permis de conduire sénégalais.
Et c'est en circulant au volant de ma voiture dans les rues de DAKAR que j'ai compris tout le mal sénégalais! Inutile de décrire tout ce que l'on constate, chacun peut le faire journellement et de visu.
Le problème essentiel, la cause de tous les maux, c'est l'INDISCIPLINE. Oui, le sénégalais est un être particulièrement indiscipliné. Mais à un point qu'il est difficile d'imaginer tant qu'on ne l'a pas vécu. Le code de la route? C'est une affaire de Toubab, ici, il n'y a pas ça! les priorités, les feux rouges? On ne s'arrête pas, pourquoi faire? Un accident, des morts, des blessés? Oui, et bien c'est Dieu qui l'a voulu! Dans ces cas là, pourquoi pleurer alors même que DIEU exhausse sa volonté!
Tout ceci n'est pas sérieux. Mais ce qui est regrettable, c'est que le problème pourrait être réglé en six mois!
Déjà, soigner le premier mal: L'INDISCIPLINE; Expliquer aux gens que nous ne sommes pas en brousse, et qu'il faut respecter les autres, qu'il y a des règles, contenues dans le code de la route, c'est complètement inutile, le mal est trop profond, c'est trop tard.
Donc, déjà fortement conseiller aux conducteurs, d'apprendre le code de la route, soit dans une auto-école, soit d'eux mêmes, chez eux, et leur laisser un mois de répit.
Passé ce mois de bienveillance, sanctionner, mais sanctionner très fort! Une priorité refusée: 30.000FCFA d'amende, véhicule immobilisé jusqu'au paiement, avec prise en charge en fourrière à 1000FCFA/Jour, un feux rouge ou un stop:50.000, ect...
Pour les deux roues, qui ne respectent strictement rien, idem, plus un délit de fuite avec peine de prison et amende à la clef.
Pour les véhicules qui ne sont plus en état de rouler: destruction immédiate.
Mais un effort colossal doit être effectué du côté de la police/
Déjà, formation pointue, notamment sur le code de la route: difficile de sanctionner une infraction que l'on ne connait pas soi-même!
Obliger les fonctionnaires de police à verbaliser, y compris les conducteurs de la même ethnie ou du même village! Interdiction de négocier une contravention avec le redevable, interdiction de passer ses journées à consulter facebook au lieu de faire son travail, apprendre à faire la circulation car c'est un vrai métier et manifestement, pas celui de ceux qui le font actuellement, e't pour être sur que toutes ces consignes soient respectées à la lettre, création d'un corps de surveillance en civil, chargé de surveiller les policiers de faction.
Et pour récompenser cet effort fourni par les pandores, bien évidemment, leur verser un salaire décent, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui.
Concernant les taxis, représentant facilement 30% des automobiles en circulation, et qui tous travaillent à perte: les accompagner dans une reconversion formelle, plus lucrative, au moyen d'une formation appropriée.
Bien évidemment, obligation de passer par une auto école pour passer le permis de conduire, déterminer un examen plus conforme à la formation, à savoir obligation de savoir lire (cela motivera les illettrés à apprendre à lire et écrire) , obligation de faire, au volant de la voiture de l'auto ecole, un nombre d'heures (entre 7 et 10 me parait bien), en situation réelle, c'est à dire en ville et sur route: bien évidemment passer des accords avec les auto-écoles, pour que le prix soit en conformité avec les possibilités, mais lorsque l'on peut s'acheter une voiture, on peut consacrer un budget pour l'examen , cela me parait élèmentaire.
Et toutes ces mesures, qui sont d'une affligeante banalité, seront redoutablement efficaces, supprimeront les embouteillages dans DAKAR, et non seulement ne couteront pas d'argent au contribuable, mais en plus rapporteront à l'état.
Mais elles ne seront jamais prises, exclusivement par manque de courage politique! Car j'ai parfaite conscience qu'elles sont impopulaires, mais il faut savoir ce que l'on veut:
Soit l'on continue comme ça, et une telle indiscipline ne peut être que génératrice d'insécurité, d’irrespect, et influe directement sur le relâchement des moeurs et valeurs, dont tout le monde se plaint;
Soit l'on prend des mesures, qui pour être efficaces, ne peuvent être que radicales, car le mal est trop profond.
Et le sénégalais apprendra de force, ce qu'il se refuse à apprendre de gré, au grand bénéfice de toute la société Sénégalaise, qui apprendra enfin, ce que le mot RESPECT veut dire!
Pour clore, je ne peux pas m’empêcher de narrer une petite discussion que j'avais avec un jeune sénégalais qui roulait en quad, beaucoup trop vite sur une route qui n'était pas appropriée pour ce genre d'exercice et à qui je faisais remarquer qu'il représentait un danger, et pouvait renverser, voir tuer un enfant qui pourrait se trouver là, vu les injures que j'ai reçues en échange, j'ai bien compris que je prêchais dans le désert, je lui rétorquais: "Tu as ton téléphone?" oui me répondit il. "Appelle l’hôpital, ta mère, est entre la vie et la mort, elle vient de se faire renverser par un,jeune qui n'a pas respecté le code de la route!" je n'ai jamais eu de réponse, j'ignore si il a compris ce que je voulais lui faire entendre....
Avant, on éduquait ses enfants, maintenant, on les élèvent tant bien que mal! c'est peut être ca la différence!!!
Me François JURAIN

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