Qui sera le candidat de BBY en 2024 ?

Lundi 3 Juillet 2023

Si elle n'implose pas avant la présidentielle de février prochain, la coalition Benno Bokk Yaakaar aura son candidat. Il serait alors et sûrement un Bébé-Macky taillé sur mesure afin de « poursuivre » l’œuvre du mentor à la tête du pays.


Pour sa succession, Macky Sall devra faire un choix entre son premier ministre Amadou Ba (en haut) et le très fidèle Abdoulaye Daouda Diallo, président du Conseil économique social et environnemental.
 
Ce lundi 3 juillet 2023, les Sénégalais sauront (enfin !!!) si Macky Sall, actuel et futur Président sortant, sera candidat où pas à l’élection présidentielle du 25 février 2024, à moins d’une nouvelle pirouette qui différerait encore le clap de fin d’un événement qui n’aurait jamais dû en être un.  Jusqu’au bout, le tout-puissant suzerain de la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY) aura maintenu le suspens sur son avenir après la fin de son second et dernier mandat à la tête du Sénégal. Jusqu’au bout, il aura tenu en haleine ses partisans, ses alliés, une frange de l’opinion publique, les chancelleries étrangères, etc. pour n’avoir pas voulu ou pu répondre à la question fatidique : « c’est oui ou c’est non ? ». C’est pourquoi, à l’énoncé du verdict de la délivrance, certains exulteront de joie et de soulagement car la stabilité politique du pays et de ses institutions en sortirait gagnante. D’autres seront en pleurs, dans la détresse, anticipant une décision qui serait à leurs yeux une porte ouverte à leur déchéance, un début de descente en enfer post-pouvoir. Quelques autres – des militants politiques et/ou de l’orthodoxie de la loi constitutionnelle - crieront victoire ou déception. Après, il faudra ouvrir une autre séquence, celle menant à l’échéance de l’année prochaine.
 
Macky Sall candidat contre vents et marées de la coalition Benno Bokk Yaakaar ? Une certaine météo journalistique et d’observateurs n’en doute point depuis belle lurette. On en serait alors à l’aboutissement d’une logique assumée de reniement de sa parole écrite et de ses engagements urbi/orbi. Mais cette candidature serait aussi le résultat d’une campagne de médiatisation outrancière visant à la rendre évidente, incontournable, acceptable. Et cela dure depuis trois ans. Alea jacta est ? Peut-être pas !
 
Le président ne s’est pas encore renié !
 
Pourtant, depuis le début du feuilleton « ni oui ni non », Macky Sall n’a jamais factuellement renié sa parole de ne faire que 2 mandats. La promesse tient toujours. C’est le brouillage des signaux pouvant éclairer sa décision ultime qui s’est accentué. A Paris dernièrement, Le « Je » présidentiel a laissé place au « Nous » collectif. Le « Faire poursuivre » lâché samedi au palais en présence des élus et maires favorables à sa candidature est venu supplanter « Mon ambition » déclamé ailleurs à maintes reprises. Auparavant, son « J’assumerai ce choix » (ndlr : d’être candidat ou non) prononcé lors de la clôture du dialogue national reste interprétable sous mille et un angles. A quel Macky se fier ?
 
Jusqu’ici, Benno Bokk Yaakaar s’est livrée pieds et poings liés au président de la République., sa seule constante. Ps, Afp, Ld, Pit, alliés de taille d’origine dont personne ne sait ce qu’ils pèsent après onze ans de participation au pouvoir, ont été rejoints bien plus tard par d’autres partis et mouvements aussi lilliputiens qu’opportunistes attirés par « la vision éclairée, sage et pragmatique » du chef de l’Etat. Aujourd’hui, la non candidature de Macky Sall reste une possibilité. BBY s’y est-elle préparée ?
 
Dans ce cas, le porteur des ambitions de la coalition présidentielle ne serait que celui que Sall aura choisi et désigné dans son propre camp, sur un contingent limité de ‘’soldats’’ prêts à relever le défi. Il serait Macky-compatible à 200% à tous les niveaux, du moins dans la phase de préparation de sa candidature et de sa montée en puissance éventuelle. Il assumerait la totalité du bilan (actifs et passifs) de douze ans de gouvernance parce qu’il en serait comptable de fait et de droit à une ou plusieurs stations de décision du gouvernement et de l’Etat. Il serait un candidat sous tutelle dont les marges de manœuvre dans des fonctions présidentielles éventuelles seraient déterminées de commun accord avec son mentor. Il pourrait bien accepter d’être un « Dimitri Medvedev », du nom de cet ancien premier ministre que Vladimir Poutine fit élire président de la Fédération de Russie entre 2008 et 2012 pour lui « garder » le fauteuil présidentiel après deux mandats consécutifs. Le verrouillage du profil idéal ne réglera pas tout. Qui serait l’élu du parrain ?
 
Successeurs potentiels ?
 
Dans la galaxie Macky, ils ne sont pas légion.
Si vous pensez à Mahammed Boun Abdallah Dione, l’ancien premier ministre, ex directeur de cabinet puis envoyé à l’ombre (pour le préserver ?), il est question d’un « ami intime » que le chef de l’Etat aurait moult fois supplié de rentrer au bercail, à l’entame de sa présidence en 2012. Ancien de la Bceao et de l’Onudi, Dione se veut maintenant un porte-drapeau de la « souveraineté » de l’Afrique, ainsi qu’il le clame dans l’ouvrage qu’il vient de publier : « Le lion, le papillon et l’abeille. »
 
A Abdoulaye Daouda Diallo ? On fait référence à un fidèle d’entre les fidèles, une sorte d’avatar dont la loyauté irait jusqu’au ‘’suicide’’ pour les beaux yeux du mentor. Bref directeur de cabinet du président, il trône depuis avril 2023 à la tête du Conseil économique social et environnemental (Cese) comme 3e personnalité de l’Etat. Une promotion qu’il aurait saluée comme étant plus conforme à sa stature de pilier du régime. En attendant mieux ?
 
A Amadou Bâ ? On pense au premier ministre actuel, contraint de faire le dos rond, pour le moment. Une carte qui ne déplairait pas à la France en cas de nécessité, parait-il. Bretteur autant sympathique qu’impitoyable si des circonstances l’exigent, mais soupçonné par des cercles APRristes de dérouler un double jeu visant à le faire apparaître plus consensuel et moins radical que Macky Sall, notamment en ce qui concerne l’ouverture du jeu politique.
 
On penserait bien à Antoine Félix Diome et Ismaïla Madior Fall. Le ministre de l’Intérieur et son collègue de la Justice ont été les grands exécutants de la politique agressive du chef de l’Etat à l’endroit de ses opposants de la coalition Yewwi askan wi à travers les services de police et la magistrature dont le Parquet. Deux identités remarquables que Macky Sall peut considérer comme encore utiles pour la suite des événements, à moins qu’ils ne soient plus jugés aptes à servir encore dans une séquence nouvelle.
 
Candidature problématique
 
BBY aura donc son candidat à la présidentiel de février 2024, un « Bébé-Macky » qui sortirait de la manche présidentielle comme l’inattendu Amadou Mame Diop est sorti du chapeau du palais en devenant président de l’Assemblée nationale en septembre 2022. Mais l’Assemblée nationale n’est pas la présidence de la République !
 
Stratège du secret, verrouilleur de ses propres réseaux, casseur de dynamiques politiques dangereuses pour sa tranquillité, Macky Sall est resté maître du jeu politique sénégalais en étant pendant plus d’une décennie le dénominateur commun exceptionnel de cette « vieille » classe politique (gauche et social-démocrate) aux affaires depuis plus d’un demi-siècle. Seule l’éclosion grandiose d’Ousmane Sonko et de la coalition Yewwi askan wi a pu contrarier sa toute puissance souveraine par des percées électorales inédites qui ont équilibré le jeu politique. Sa légitimité n’en est pas sortie indemne, ébranlée par les événements violents de juin et les dizaines de jeunes gens tués sur le champ des contestations politiques. Un boulet aux basques d’une candidature dangereuse pour le pays. 
 
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