Parrainages - Un devoir d’explication s’impose au Conseil constitutionnel

Samedi 6 Janvier 2024

Mamadou Badio Camara, président du Conseil constitutionnel (photo Emedia)

Avec les récriminations fleuves lancées contre le Conseil constitutionnel et ses méthodes de gestion des parrainages, il y a une nécessité politique, démocratique et morale que son président et les membres de la commission de contrôle répondent publiquement aux interpellations - nombreuses - qui leur sont adressées par des candidats à l’élection présidentielle du 25 février 2024. Ces accusations sont extrêmement graves et ne contribuent point à polir - loin s’en faut - la face d’une institution qui ne brille déjà pas spécialement pour sa bonne…réputation auprès de nombreux sénégalais. 

 

Aminata Touré, ancienne première ministre, balance en public une bombe qui aurait dû prendre la dimension d’un scandale d’Etat. Elle soupçonne ou soutient que c’est le fichier électoral de 2017 qui a servi de base au contrôle de ses parrains. Vrai ou faux ? 

 

Au Pastef, le chargé de communication et les experts informatiques du candidat Bassirou Diomaye Faye - recalé pour un deuxième passage - sont arrivés à la conclusion suivante :

« 98% des éléments faisant l'objet de rejets (12,375) sont des éléments étrangers au fichier qui a été déposé auprès du conseil constitutionnel.

Notre coalition est en totale capacité de démontrer preuve à l'appui que les éléments précisés dans le fichier de rejet ne sont pas conformes aux données transmises au conseil constitutionnel à travers une clé USB scellée. »
 

Qu’en pensent le président Mamadou Badio Camara et ses collaborateurs ?

 

Premier à avoir franchi le filtre du parrainage au premier jour des travaux, le candidat Boubacar Camara Kamâh a très tôt tiré la sonnette d’alarme en ces termes :

« Sur 58 975 parraina déposés, 6069 sont introuvables dans le fichier électoral. (…) Nous réclamons du Conseil constitutionnel que tous les candidats disposent du fichier électoral. » Il y a urgence.


Cependant, rien ne dit que les critiques formulées contre le système de contrôle des parrainages sont totalement avérées. Mais si c'est le silence qui est opposé aux protestataires, qui faudrait-il croire ? 

 

Le Conseil constitutionnel est le juge du contentieux politique dans notre pays. A l’orée de la tenue d’un événement quinquennal majeur dont l’issue va engager l’avenir de 18 millions de Sénégalais, il est parfaitement inconcevable qu’il continue de faire le dos rond face aux interpellations qui l’assaillent de toutes parts. Son président doit répondre aux inquiétudes et interrogations des acteurs politiques sur sa gestion du parrainage. Continuer de se taire alors qu’il y a devoir d’éclairer la lanterne des Sénégalais relèverait de l’arrogance et de l’irresponsabilité. C’est sa crédibilité dans cette phase lourde et délicate du processus électoral qui est en jeu.  

 

Du reste, il n’est pas superflu de rappeler que le Conseil constitutionnel est une institution publique de la République du Sénégal et non un groupe privé qui serait affilié à des clans politiques installés au coeur de l’Etat. C’est donc seulement en assumant avec justice, équité et transparence les responsabilités que la loi lui a assignées qu’il peut se considérer digne de la mission.

Toutes choses étant égales par ailleurs, ce n’est pas en s’enfermant entre quatre murs ou perchés dans une tour d’ivoire inaccessible au commun des Sénégalais que ses membres gagneront l’estime de leurs compatriotes. Leur légitimité est substantiellement tributaire de leurs capacités à appliquer la loi (qu’il faut) au nom du peuple souverain. De lui seul. Ce qui requiert néanmoins un brin de courage et de dépassement de soi dans un contexte périlleux pour notre pays.


 

 
Momar Dieng
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