« Nous avons peur! » : l'Equateur vote pour un nouveau président qui mettra fin à "l'insécurité"

Dimanche 20 Aout 2023


"Le problème le plus grave est l'insécurité (...) tant de crimes, d'assassinats, de disparitions, nous avons peur", a estimé Eva Hurtado, électrice de 40 ans à la sortie d'un bureau de vote de Quito, résumant l'état d'esprit d'un pays qui fut longtemps un havre de paix en Amérique latine.
 
"Insécurité et chômage... Nous avons besoin d'une main ferme pour mettre fin à tout cela", a plaidé une autre votante, Inés Iturralde, commerçante de 58 ans.
 
Le scrutin se déroule douze jours après la mort à Quito, sous les balles d'un commando de tueurs à gage colombiens, du candidat centriste Fernando Villavicencio, un ex-journaliste de 59 ans et l'un des principaux favoris.
 
- "Normalité absolue" -
 
Sous la surveillance de près de 100.000 policiers militaires, les 13,4 millions d'électeurs ont jusqu'à 17H00 (22H00 GMT) pour élire leur président, leur vice-président et les 137 députés du Congrès monocaméral. Les premiers résultats doivent être publiés dans la nuit.
 
Selon la présidente de l'autorité électorale (CNE), Diana Atamaint, tous les bureaux de vote ont été "installés" et la journée se déroule "dans une normalité absolue, sans problème technique ni de situation pouvant affecter la sécurité des Equatoriens".
 
Trois heures après l'ouverture du vote, près de 20% des électeurs s'étaient rendus aux urnes, a-t-elle précisé.
 
"L'Equateur aborde cette journée électorale dans un contexte complexe et, en même temps, plein d'espoir", a euphémisé à l'ouverture officielle du vote le président conservateur sortant Guillermo Lasso.
 
L'Equateur a été contaminé ces dernières années par le trafic de drogue venant Colombie et du Pérou, sponsorisé par les cartels mexicains. Le taux d'homicides à l'échelle nationale a doublé en 2022 et battra des records cette année. Depuis 2021, plus de 430 détenus se sont entretués en prison dans des massacres entre gangs rivaux.
 
A cette violence s'ajoute une crise institutionnelle privant le pays de Congrès ces trois derniers mois après la décision de Lasso d'appeler à ces élections générales anticipées pour éviter une mise en accusation pour corruption.
 
En fin de matinée, au moins six des huit candidats à la présidence avaient mis leur bulletin dans l'urne. Tous descendus de voitures blindés et sous la protection omniprésente de militaires en armes.
 
Meilleur ami et collègue du défunt Villavicencio, le journaliste Christian Zurita, 53 ans, qui a remplacé au pied levé le candidat assassiné, a voté sourire aux lèvres à Quito, comme toujours vêtu d'un gilet pare-balles noir et casque lourd sur la tête.
 
Assailli par les journalistes, ce protagoniste inattendu du scrutin a réaffirmé sa "détermination" à "sortir l'Equateur de "cette période sombre et difficile". Pendant toute la campagne, il n'a eu de cesse de répéter qu'il "honorerait la mémoire" de son ami assassiné en appliquant intégralement son programme anticorruption contre les "mafias".
 
Tous deux avaient mis au jour ces derniers jours de retentissants scandales de corruption, dont l'enquête qui a abouti à la condamnation de l'ancien président socialiste Rafael Correa (2007-2017) à huit ans de prison et à son départ en exil.
 
- "L'honnêteté va gagner" -
 
La rivale de M. Zurita, seule femme dans la course à la présidence, Luisa Gonzalez, 45 ans, se pose elle comme l'héritière du président Correa. Favorite des sondages jusqu'à l'assassinat de Villavicencio, elle a voté dans son fief de Canuto (ouest), a constaté l'AFP. "Tout est entre les mains des peuple équatorien, le plus probable est que nous n'aurons qu'un seul tour", a-t-elle affirmé.
Un éventuel second tour est prévu le 15 octobre.
 
"Tout d'abord la sécurité (...). Nous devons éradiquer la violence (...). Regardez comment nous votons aujourd'hui entourés de soldats", a commenté le troisième candidat dans l'ordre des sondages, Jan Topic, après avoir voté en famille, sa petite fille sur les épaules, dans son fief de Guayaquil, grand port de la côte pacifique et épicentre des violences du narcotrafic.
 
Ancien de la Légion étrangère française, aussi surnommé le "Bukele équatorien" en référence au dirigeant salvadorien à poigne Nayib Bukele, M. Topic a marqué des points ces derniers jours grâce à son discours musclé contre la criminalité.
 
"L'honnêteté va gagner. Les présidents banquiers, entrepreneurs (...) nous ont menés à une tragédie nationale. Il va falloir reconstruire, réhabiliter", a déclaré pour sa part le candidat indigène Yaku Pérez, par ailleurs partisan de l'arrêt de la production pétrolière en Amazonie, l'une des principales richesses de l'Equateur avec les bananes, les crevettes et les emblématiques îles Galapagos.
 
Ce dimanche, les Equatoriens se prononcent aussi par référendum sur la poursuite de l'exploitation pétrolière dans la jungle amazonienne de Yasuni (Nord-Est), terre indigène et réserve unique de biodiversité.
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