Emmanuel Macron entame mercredi à Librevillle une tournée de quatre jours en Afrique centrale, l'occasion d'éprouver le nouveau "partenariat" qu'il ambitionne de bâtir avec un continent où le ressentiment antifrançais ne cesse de croître.
Le chef de l'Etat est attendu en fin d'après-midi dans la capitale gabonaise, première étape d'un périple qui le conduira ensuite en Angola, au Congo et en République démocratique du Congo.
Lundi, deux jours avant ce dix-huitième déplacement en Afrique depuis le début de son premier quinquennat en 2017, M. Macron a exposé depuis Paris sa stratégie africaine pour les quatre ans à venir.
Prenant acte d'une hostilité croissante envers la France, ex-puissance coloniale, dans son ancien "pré carré" d'Afrique de l'ouest, Emmanuel Macron a appelé de ses voeux une "nouvelle relation, équilibrée, réciproque et responsable" avec le continent.
Il a aussi annoncé une réduction de la présence militaire française, concentrée depuis dix ans sur la lutte contre le jihadisme au Sahel, mais devenue l'incarnation de l'héritage colonial aux yeux d'une jeunesse avide de "nouvelle" indépendance.
"L'Afrique n'est pas un pré carré", a martelé le président français, prônant une "posture de modestie et d'écoute" dans le prolongement de son discours de Ouagadougou en novembre 2017.
- "D'abord la démocratie" -
Depuis août 2022, l'armée française a été poussée hors du Mali et du Burkina Faso par les juntes au pouvoir dans ces deux pays. Elle a aussi quitté en décembre la Centrafrique, où elle était intervenue pour mettre fin à des violences interethniques.
Forte des mercenaires du groupe Wagner et de campagnes de désinformation qui alimentent le sentiment antifrançais, la Russie dame de plus en plus le pion à Paris dans cette sphère d'influence française historique. Certains acteurs politiques locaux surfent aussi sur ce ressentiment pour asseoir leur légitimité.
Emmanuel Macron dit vouloir désormais s'appuyer sur la société civile et les diasporas africaines pour tourner la page de la "Françafrique", longtemps faite de liens troubles et de soutien à des potentats locaux.
"Notre intérêt, c'est d'abord la démocratie", martèle-t-il, promettant aussi de "défendre les intérêts" économiques français là où nombre de pays, de la Chine à la Turquie, avancent à visage découvert.
L'exercice s'annonce délicat au Gabon où l'opposition l'accuse d'"adouber" à travers sa visite le président Ali Bongo, élu dans des conditions controversées en 2016 et probable candidat à sa réélection cette année.
Ce dernier l'accueillera dès mercredi soir à la présidence pour un dîner.
- "Poutine au secours" -
Emmanuel Macron se défend de toute démarche "politique" et assure que l'unique but de sa visite est le sommet, coorganisé par la France et le Gabon, sur la préservation des forêts du bassin du Congo, premier poumon de la planète selon l'Elysée.
"Le temps n'est plus aux alliances générales, automatiques, historiques, irrévisibles. Nous sommes dans une nouvelle ère, de partenariats ad hoc sur tous les sujets où nous trouvons des intérêts communs", a lancé la secrétaire d'Etat française aux Partenariats internationaux, Chrysoula Zacharopoulou, mercredi avant l'ouverture du sommet.
Le Gabon est de son côté entré dans le Commonwealth en 2022. Ali Bongo affiche ainsi ostensiblement sa volonté de rééquilibrer le partenariat historique avec la France incarné pendant plus 30 ans par son père et prédécesseur Omar Bongo.
Emmanuel Macron, bien décidé à arpenter les terres non francophones d'Afrique et à élargir l'horizon de la France sur le continent, signera aussi vendredi en Angola un accord visant à développer la filière agricole dans ce pays.
Il fera ensuite une brève escale à Brazzaville où le président Denis Sassou Nguesso dirige d'une main de fer le Congo depuis près de 40 ans, une rencontre qui risque là aussi d'apparaître à contrecourant de son discours de lundi.
La République démocratique du Congo (RDC), ex-colonie belge mais aussi plus grand pays francophone du monde, lui offrira sans doute une meilleure opportunité pour dérouler sa vision de l'Afrique.
Mais là aussi le président Félix Tshisekedi, au pouvoir depuis janvier 2019, se prépare à une
échéance électorale cette année, et l'opposition ne voit pas d'un bon oeil cette visite.
"Macron assassin, Poutine au secours", ont aussi scandé mercredi quelques dizaines de jeunes Congolais, drapeaux russes à l'appui, accusant la France de soutenir le Rwanda face à Kinshasa dans la rébellion qui fait rage dans l'est de la RDC. (AFP)