Macky Sall, le dialogue de la terre brûlée contre l’opposition

Lundi 8 Mai 2023

La poignée de main entre le président Macky Sall et Khalifa Sall lors de la rencontre sur l'Economie sociale solidaire à Dakar.
 
Le « dialogue politique » lancé par le président de la République est la première grande épreuve politique à laquelle la coalition d’opposition Yewwi askan wi (Yaw) doit faire face après avoir brillamment survécu aux joutes locales et législatives de l’année 2022. Le projet porté par le président de la République et considéré dans l’opposition comme une entreprise de démantèlement de Yaw est à la hauteur des insomnies provoquées dans la mouvance présidentielle par le séisme électoral qui a enfanté une Assemblée nationale radicalement rééquilibrée au profit de l’opposition.
 
Dans la peau du futur président sortant qui, à l’origine, s’est auto-exclu de la présidentielle de février 2024, Macky Sall s’astreint une mission ultime de bonne guerre : brûler les terres de l’opposition avec l’aide présumée de figures remarquables de cette...opposition en espérant que les opposants qui n’auraient pas répondu à son appel seraient emportés dans la débandade enflammée qui s’en suivrait. En d’autres termes, le chef de l’Etat entend réaliser sur le tard son projet annoncé à Kaffrine en 2015 et consistant à réduire ses adversaires politiques à leur plus simple expression, en cendres.
 
Question de confiance !
 
Mais en-a-t-il seulement les moyens maintenant à quelques encablures du terme de son dernier mandat à la tête du Sénégal ? Ousmane Sonko est hors de portée, Déthié Fall est intransigeant, Malick Gakou est sur ses grands chevaux, Cheikh Tidiane Dièye imperturbable... En dehors de Yaw, Aminata Touré parait inatteignable, de même que Mamadou Lamine Diallo, Boubacar Camara, Thierno Alassane Sall, Abdourahmane Diouf, Mary Teuw Niane, etc. En même temps, le mouvement des Forces vives de la nation prépare son rassemblement anti 3e candidature du vendredi 12 mai 2023 à la place de la Nation. Tous critiquent chez le chef de l’Etat une volonté farouche de s’acheter à moindres frais une présence « illégale » à la présidentielle de 2024.  
 
C’est donc avec l’énergie du désespoir qu’il se résout à chercher un contenu et des acteurs à son dialogue. Certains des invités potentiels comme Khalifa Sall, le couteau sous la gorge, réclament les termes de référence de la rencontre. Cette exigence, formulée autrement par certains acteurs, est déjà une barrière de taille. Leur crainte ? Que Macky Sall soit le modérateur caché des discussions, celui qui en délimite le périmètre, en connaît les objectifs, en trace la ligne rouge. Celui à qui reviendrait l’honneur exclusif de trancher  dans le vif des désaccords électoraux fondamentaux liés à la sincérité et à l’inclusivité du scrutin de février 2024. Faudrait-il (re)faire confiance à la discrétion de son coude ? Certains ont déjà leur réponse. Pourtant, un audit sérieux du dialogue de la « saison 1 » fini en queue de poisson - au grand dam de Famara Ibrahima Sagna - aurait davantage éclairé la réalité de ce que pourrait être une « saison 2 ».
 
Comme pour le scrutin de 2019, le président Sall se replace allègrement dans sa position favorite : celle de choisir (encore) la liste des candidats de la présidentielle de février 2024. En parallèle, les recommandations des organisations de la société civile sénégalaise et de la Mission d’observation électorale de l’Union européenne ont été ‘’’poubellisées’’ alors que les décisions de la Cédéao ont été pour l’essentiel ignorées, en particulier en ce qui concerne le parrainage.
 
Khalifa Sall, un avenir tracé par ses adversaires ?
 
Mais le contexte politique a changé et Macky Sall n’a plus forcément les cartes et la marge de manœuvre stratégique dont il disposait il y a quatre ans. Une forte défiance politique et populaire a altéré sa toute-puissance. Cette faiblesse sournoise expliquerait en partie l’incroyable chantage public contre les récalcitrants au dialogue qui ont déjà fait vœu de candidature. Karim Wade et Khalifa Sall semblent particulièrement ciblés par la pression présidentielle car, à eux deux, ils seraient en mesure de crédibiliser ( ?) le scrutin du 25 février 2024 duquel serait alors exclu Ousmane Sonko, principal leader de l’opposition. Aminata Touré a-t-elle tort de dénoncer le « deal » en gestation entre Macky Sall et le Pds visant à offrir à Karim Wade l’amnistie et la révision du code électoral qui lui donneraient le droit de participer au scrutin de l’année prochaine en échange d’une acceptation de la candidature du futur président sortant ?
 
Cependant, le plus en danger et le plus exposé de tous dans ces manœuvres hallucinantes du chef de l’Etat reste Khalifa Sall. Des deux « K », il demeure le plus à même de tout perdre et définitivement sur l’échiquier politique sénégalais. Sa participation au « dialogue » reviendrait d’une certaine manière à laisser le président de la République avoir « droit de vie et de mort » sur ses ambitions politiques. Macky Sall et la coalition Bby le veulent singulièrement au cœur du futur dialogue en tant qu’identité prestigieuse de la coalition Yewwi askan wi. Ils voudraient en faire un objectif marketing en l’exposant en public comme un trophée de guerre arraché à l’ennemi Sonko pour frapper les esprits. La publication peu innocente des images du trio Habib Sy-Barthélémy Dias-Khalifa Sall en toute décontraction avec le président Sall, en marge de la rencontre internationale sur l’Economie sociale et solidaire qui a pris fin dimanche à Dakar, est une première étape dans cette entreprise de fragilisation de Yaw. Mais une question s’impose à lui : quels engagements substantiels liés à l’organisation des élections au Sénégal Macky Sall a-t-il déjà tenus à l’endroit de ses adversaires politiques ?
 
Silencieux pour le moment dans l’attente des « retours » de la base militante de Taxawu Senegaal, Khalifa Sall semble vouloir se projeter dans une posture passive, celle qui laisserait ses adversaires et bourreaux actuels déterminer son avenir politique après un retour gagnant au premier plan. Tout un mystère !
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