Après deux mandats marqués par une explosion de l’insécurité et de la pauvreté dans ce pays où 60 % de la population a moins de 25 ans, le président Muhammadu Buhari, 80 ans, se retire comme le veut la Constitution.
Et pour la première fois depuis le retour à la démocratie en 1999, la popularité d’un outsider vient bousculer la prédominance des deux principaux partis et le Nigeria pourrait connaître une présidentielle à deux tours.
« Il y a beaucoup de pression cette année pour choisir », explique à l’AFP Osaki Briggs, un photographe de 25 ans venu voter à Port Harcourt (sud-est) avec sa femme. « Cette fois on nous a promis que l’élection sera libre et équitable, donc nos attentes sont fortes ».
Plus de 87 millions d’électeurs sont appelés dans 176 000 bureaux de vote à choisir un président parmi 18 candidats, ainsi que des députés et sénateurs.
Le vote se déroulait globalement dans le calme, mais dans de nombreux endroits, comme à Lagos (sud-ouest) ou Kano (nord), il a pris beaucoup de retard car le matériel n’était pas arrivé ou ne fonctionnait pas, ont constaté des journalistes de l’AFP.
C’est la première fois que des nouvelles technologies sont utilisées à l’échelle nationale. L’identification des électeurs par reconnaissance faciale et digitale devait limiter les fraudes qui ont entaché les scrutins précédents, tout comme le transfert électronique des résultats.
Compétition serrée
« Personne ne s’occupe de nous ! Je suis arrivée à 8 heures du matin et il est maintenant 12 heures et la machine ne fonctionne pas », s’énervait Jennifer Dike, une fonctionnaire de 28 ans dans un bureau de vote de Port Harcourt à l’ambiance surchauffée. « Ils devraient nous laisser voter manuellement, nous avons nos PVC (cartes d’électeurs, NDLR)… Mais personne ne fait rien ! ».
Lors d’une conférence de presse, le président de la Commission électorale nationale (Inec) Mahmood Yakubu, a reconnu des « problèmes », tout en rassurant sur le fait que « tout Nigérian qui est dans la file d’attente aura la possibilité de voter peu importe le temps qu’il faudra », malgré la fermeture des bureaux prévue à 14 h 30.
Vêtu d’un caftan bleu, le candidat du parti au pouvoir (APC) Bola Tinubu, 70 ans, a voté samedi matin dans son fief de Lagos où il a été accueilli par une foule compacte et un impressionnant dispositif de sécurité.
L’ex-gouverneur (1999-2007) est surnommé le « parrain » du fait de son influence politique. Yorouba de confession musulmane, il affirme être le seul à pouvoir redresser le Nigeria et a déjà prévenu : cette fois, « c’est mon tour » de gouverner.
Mais rien n’est joué face à ses deux principaux adversaires. À 76 ans, l’ancien vice-président Atiku Abubakar, de l’opposition (PDP, au pouvoir de 1999 à 2015), briguera pour la sixième fois la présidence. Originaire du nord et de confession musulmane, il espère y rafler de nombreux votes.
L’autre challenger crédible est l’ex-gouverneur d’Anambra (sud-est) Peter Obi, chrétien de 61 ans, soutenu par le petit Parti travailliste (LP), et très populaire auprès de la jeunesse.
« J’appelle les gens à sortir voter. Je ne cherche pas un emploi. Je veux servir les gens […] je veux sortir les gens de la pauvreté », a dit M. Obi, marchant dans les rues de son village natal, Amatutu, suivi par des dizaines de journalistes.
« Risque de violence »
Ce scrutin est crucial. Le Nigeria – 216 millions d’habitants – devrait devenir en 2050 le troisième pays le plus peuplé au monde, tandis que l’Afrique de l’Ouest est menacée par un fort recul démocratique et la propagation de violences djihadistes.
La première économie du continent est devenue une puissance culturelle mondiale, grâce notamment à l’Afrobeats, genre musical qui enflamme la planète avec des vedettes comme Burna Boy et Wizkid.
Mais le futur président héritera surtout d’une myriade de problèmes : des violences criminelles et djihadistes dans le nord et le centre, une agitation séparatiste dans le sud-est, une inflation galopante, un appauvrissement généralisé.
Pour ne rien arranger, de récentes pénuries d’essence et de billets de banque ont provoqué des émeutes.
« Le Nigeria est un grand bordel. Nous avons besoin de dirigeants compétents dans ce contexte », assure le pasteur John Fashugba, 76 ans, qui considère cette élection comme « la plus importante » qu’il ait connue.
Partout dans le pays, la campagne a aussi été marquée par des attaques visant des candidats locaux, militants, postes de police et bureaux de la commission électorale.
« Le risque de violence est une réelle préoccupation », relève Sa’eed Husaini du Centre pour la démocratie et le développement (CDD).
La participation, faible lors des scrutins précédents (33 % en 2019) est une autre inconnue.
Les résultats doivent être annoncés dans les 14 jours suivant le scrutin. (AFP)