Le sort de 629 migrants suspendu à un bras de fer entre l'Italie et Malte

Lundi 11 Juin 2018

Le sort de 629 migrants secourus au large de la Libye restait lundi l'enjeu d'un bras de fer entre Malte et l'Italie, deux pays européens qui refusaient toujours en milieu de journée d'ouvrir leurs ports au navire les transportant malgré les appels en ce sens de l'ONU et de Bruxelles.

Depuis dimanche, la situation n'a pas évolué au large de Malte, où se trouve l'Aquarius en stand by à quelque 30 milles de la petite île méditerranéenne. Ce navire affrété par l'ONG française SOS Méditerranée attend toujours de savoir où il pourra débarquer, faute d'accord des gouvernements maltais et italien, qui ont décidé tous deux de fermer leurs ports.

"Nous n'avons pas bougé depuis la nuit dernière, les gens commencent à se demander pourquoi nous sommes arrêtés", a indiqué lundi matin sur Twitter la journaliste Annelise Borges, qui se trouve à bord. Elle a pu se rendre plus tard dans la matinée auprès des centaines de femmes secourues: "il règne une chaleur torride là où elles se trouvent, mais au moins elles sont à l'ombre", a-t-elle témoigné sur Twitter.

La Commission européenne a appelé à un "règlement rapide" de ce bras de fer en Méditerranée, tout comme un porte-parole du gouvernement allemand, qui en a appelé au devoir "humanitaire" et au sens de la responsabilité de toutes les parties.

Le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (UNHCR) s'est montré plus direct en enjoignant Malte et l'Italie à autoriser "immédiatement" le débarquement de ces 629 migrants, dont sept femmes enceintes, 11 enfants en bas âge et 123 mineurs isolés.

Mais rien n'indiquait lundi en milieu de journée que l'Italie se décide à les accueillir.

Le ministre de l'Intérieur et patron de la Ligue (extrême droite) Matteo Salvini a confirmé lundi sur Twitter qu'il n'entendait pas plier: "sauver des vies est un devoir, transformer l'Italie en un énorme camp de réfugiés, non. L’Italie en a fini de courber l'échine et d'obéir, cette fois IL Y A QUELQU'UN QUI DIT NON", suivi de l'hashtag #fermonslesports.

Le ministre réagissait à l'arrivée dans la matinée, au large de la Libye, d'un autre navire affrété par une ONG allemande, Sea Watch. "Association allemande, navire néerlandais, Malte qui ne bouge pas, la France qui rejette et l'Europe qui s'en fiche, assez", a ajouté le ministre, toujours sur Twitter.

C'est la première fois depuis l'arrivée au pouvoir de la coalition entre la Ligue et le Mouvement Cinq étoiles (M5S, antisystème) que l'Italie bloque ainsi ses ports. Matteo Salvini avait fait campagne avant les législatives sur le thème de la fermeture des frontières aux migrants, et prévenu à maintes reprises qu'une fois au pouvoir, il ferait tout pour empêcher ces débarquements, particulièrement lorsqu'ils sont le fait des ONG qui patrouillent régulièrement au large de la Libye pour sauver ces migrants.

Mais comme cela a été le cas encore ce weekend, l'Aquarius a aussi récupéré des migrants sauvés par d'autres navires présents sur zone, y compris des vedettes des garde-côtes italiens.

- 'Ministre sans coeur' -

Malte avait confirmé dès dimanche soir son refus après un communiqué italien lui enjoignant d'accueillir l'Aquarius.

Le Premier ministre maltais Joseph Muscat s'en est entretenu au téléphone avec le chef du gouvernement italien Giuseppe Conte. "Malte agit en pleine conformité avec ses obligations internationales", mais "ne recevra pas le navire en question dans ses ports", avait alors annoncé le gouvernement maltais.

Le ministre italien de l'Intérieur et son homologue des Transports Danilo Toninelli, dont dépendent les garde-côtes italiens, avaient jugé dans un communiqué commun que Malte ne pouvait "pas continuer à regarder ailleurs lorsqu'il s'agit de respecter des conventions internationales précises sur la protection de la vie humaine".

Plusieurs ports italiens, dont Naples ou Palerme (Sicile), ont fait savoir dès dimanche qu'ils étaient d'accord pour accueillir l'Aquarius.

"Si un ministre sans coeur laisse mourir en mer des femmes enceintes, des enfants, des personnes âgées, des êtres humains, le port de Naples est prêt à les accueillir", a affirmé sur Twitter le maire de cette grande ville du sud de la péninsule, Luigi de Magistris.

L'Italie, qui a vu débarquer sur ses côtes quelque 700.000 migrants depuis 2013, a le sentiment depuis le début de la crise migratoire d'être abandonnée par ses partenaires de l'Union européenne.
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