Le Bénin peut-il se protéger du terrorisme dans la région? (Institute for securities studies)

Vendredi 8 Mars 2019

Entouré de pays aux prises avec l'extrémisme violent, le Bénin doit réduire ses vulnérabilités au niveau des communautés.


 Depuis février 2018, une soixantaine d'attaques terroristes ont eu lieu dans l'est du Burkina Faso. Bien qu'aucun groupe n'ait revendiqué sa responsabilité, les incidents auraient été commis par des individus liés à des groupes extrémistes violents au Sahel, tels que l'État islamique dans le Grand Sahara, Ansarul Islam ou Jama'a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin. Cela suscite des inquiétudes quant à la propagation de l'extrémisme dans les pays voisins, notamment le Bénin.
 
En évaluant la vulnérabilité du Bénin, l'accent a été mis sur la réponse militaire du pays. L'armée joue un rôle dans la lutte contre le terrorisme, mais cela ne suffira pas pour lutter contre l'extrémisme violent au Bénin. Les efforts actuels et futurs devraient viser à mieux comprendre les menaces et à impliquer les communautés locales dans leur prévention.
 
En juillet 2018, le Conseil des ministres du Bénin a nommé un secrétaire permanent chargé de coordonner les mesures préventives prises par le pays. Le gouvernement a reconnu la nécessité de créer une commission nationale de lutte contre la radicalisation, l'extrémisme violent et le terrorisme. La commission aidera également à adapter les lois du pays sur la prévention et la lutte contre l'extrémisme violent.
 
« Les frontières poreuses du Bénin avec le Burkina Faso,
le Niger et le Nigeria soulèvent la menace terroriste. »
 
Entre le 26 novembre et le 2 décembre 2018, les forces armées du Bénin ont mené une opération antiterroriste appelée Ma Kon-Hin dans la ville de Ségbana, dans le nord du pays. L'exercice a mis à l'épreuve les compétences et la tactique d'environ 1 050 officiers de l'armée, de la marine et des forces aériennes. Il a conclu avec un certain nombre d’efforts menés par les forces armées en faveur de la population, notamment la construction de latrines et la fourniture de soins de santé.
 
En janvier dernier, le Bénin a accueilli la quatrième réunion de l’Initiative d’Accra à Cotonou. Cette initiative permet aux pays participants - Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Ghana et Togo - de débattre des problèmes de sécurité communs et de leurs réponses. Sous le thème "Partage de l'information en tant qu'arme", des ministres et des responsables de la sécurité et du renseignement de ces pays, ainsi que du Mali et du Niger, ont assisté à la réunion.
 
Les recherches menées par l'Institut d'études de sécurité du Sahel révèlent que des groupes extrémistes violents exploitent les vulnérabilités individuelles, sociales et structurelles pour s'établir dans les communautés. Ils capitalisent sur la pauvreté et le chômage, l'absence de services de base et le sentiment de négligence et de marginalisation des populations locales. Ils s’installent principalement dans des espaces non gouvernés et des zones frontalières faiblement administrées et contrôlées, où le lien entre le gouvernement et les citoyens est faible.
 
Ces vulnérabilités existent au Bénin. Bien que la présence de facteurs de risque ne se traduise pas toujours par des actes de violence, le risque que de telles vulnérabilités puissent être exploitées par des groupes extrémistes violents est réel. La proximité du pays avec le Burkina Faso, le Niger et le Nigéria - qui connaissent tous un extrémisme violent - et la porosité de ses frontières rendent le Bénin vulnérable aux menaces terroristes.
 
« Les extrémistes violents s’installent principalement dans
des espaces non gouvernés et des zones frontalières peu administrées.»
 
L'absence ou la faible présence de l'État dans les zones frontalières du Bénin, les réserves fauniques et forestières qui constituent un refuge pour ces groupes, et les conflits en cours entre les populations locales et le gouvernement accroissent les risques du pays.
 
Le Bénin partage plus de 2 000 km de frontières avec quatre pays, dont trois (le Burkina Faso, le Niger et le Nigéria) connaissent un extrémisme violent. Les communautés des deux côtés de ces frontières appartiennent généralement au même groupe ethnique et ont des liens familiaux. Les mouvements de population entrant et sortant du Bénin, en particulier dans le contexte de frontières poreuses, accentuent cette vulnérabilité.
 
Depuis 2012, l'Agence béninoise de gestion intégrée des espaces frontières (ABeGIEF) s'efforce non seulement de réduire la pauvreté dans les zones frontalières, mais également de créer un sens de la citoyenneté chez les habitants. Les efforts comprennent la construction d'écoles, l'autonomisation des femmes par le biais d'activités génératrices de revenus, la sécurisation des frontières et la coopération transfrontalière. Les habitants ont réclamé la construction de ponts, de routes et d'écoles, ainsi que la fourniture d'eau potable et d'électricité.
 
Ces communautés, en particulier celles qui ont des liens ethniques et familiaux transfrontaliers, considèrent les frontières non comme des barrières mais comme un continuum territorial offrant des opportunités de croissance et de développement économiques. Cela rend difficile pour l'État de tracer des «frontières dures» et de les sécuriser. Cela soulève le potentiel d'entrée d'individus et de groupes de pays voisins qui pourrait constituer une menace pour le Bénin.
 
Les groupes extrémistes profitent également des vastes réserves fauniques et forestières du complexe W-Arly-Pendjari, partagées par le Bénin, le Burkina Faso et le Niger. Celles-ci servent de bases de repli et de lieux d'approvisionnement en nourriture par le braconnage.
 
« Les actions visant à prévenir les menaces extrémistes
au Bénin devraient tenir compte des conflits locaux. »
 
Enfin, les désaccords locaux entre les communautés frontalières et leurs gouvernements centraux pourraient être exploités par ces groupes pour s'établir localement. La concurrence pour l'accès à la terre a créé à la fois des tensions intercommunautaires et des conflits entre les communautés et les pouvoirs publics. Certaines décisions des tribunaux ou des autorités locales sont contestées et conduisent  à des affrontements sanglants.  
 
La décision prise en 2017 par le gouvernement d'attribuer le contrat de gestion de parcs nationaux à African Parks Network, une société sud-africaine, a provoqué la colère des travailleurs du Centre national de gestion de la faune, qui pourraient perdre leur emploi. Les communautés de chasseurs voient dans cette décision une menace pour leurs moyens de subsistance, car le centre permet la chasse, mais pas le Réseau des parcs africains. La situation a entraîné des manifestations et des affrontements entre des forestiers travaillant pour le Réseau des parcs africains et des chasseurs vivant à proximité de parcs.
 
Les actions visant à prévenir les menaces extrémistes au Bénin devraient prendre en compte ce type de conflits locaux, en particulier ceux liés à la gestion des ressources en terres et des parcs nationaux. Une médiation ou un soutien aux personnes qui se sentent victimisées devraient être offertes et des consultations communautaires menées.
 
Il faut ouvrir ces zones reculées en mettant l’accent sur l’approvisionnement en eau potable et en électricité à l’aide de l’énergie solaire, par exemple, et la construction d’écoles avec des cantines. De tels efforts contribueraient à réduire les vulnérabilités pouvant être exploitées par des groupes extrémistes violents au Bénin.
 
Michaël Matongbada, chercheur junior, ISS Dakar
 
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