Ibrahima Khaliloulah Ndiaye (Sg du Synpics): «Il faut stopper les lobbies qui officient dans la presse.»

Mercredi 17 Janvier 2018

Interpellé par le sort des travailleurs de l’Agence de presse sénégalaise, le secrétaire général du Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics), Ibrahima Khaliloulah Ndiaye s’insurge contre la mauvaise gestion de cet organe du service public de l’information et alerte, par ailleurs, contre les lobbies de toutes sortes qui risquent de prendre en otage la presse et le peuple en général.


Par Mohamed NDJIM
 
Des voix s’élèvent de manière récurrente pour dénoncer la situation à l’Aps. Qu’en pense le Synpics?
Je voudrais d’abord rappeler que la Section Synpics de l’Aps, tout comme son prolongement le Bureau exécutif national, alerte, dénonce et sensibilise depuis des années sur la situation de l’Agence de presse sénégalaise. Il faut dire que l’Aps, doyenne des agences africaines comme le rappellent certains, est un fleuron dans le paysage médiatique sénégalais eu égard au travail qu’abattent quotidiennement ses agents, dans un contexte marqué par la confusion dans les genres rédactionnels.
 
En ce qui concerne la situation spécifique de l’Aps, elle est marquée par une différence de traitement et de considération par les pouvoirs publics comparativement aux autres organes de service public, Le Soleil et la Rts. Ce que le Synpics a toujours dénoncé. L’objectif est donc de remettre les pendules à l’heure en faisant en sorte que l’Aps et ses agents disposent d’une Convention-maison comme celles qui existent au Soleil ou à la Rts. Mais l’urgence aujourd’hui est de garantir d’emblée les salaires et les frais du fonctionnement quotidien.
 
Pourquoi tous ces problèmes ?
L’Etat doit se pencher sur la gestion quotidienne, mais surtout sur la qualité de manager qui doit conduire les destinées de l’Agence. Il n’y a nullement besoin d’être un économiste ou un auditeur en finances pour pouvoir gérer les maigres deniers de l’Aps. Des journalistes ont présidé avec bonheur à ses destinées dans un passé récent.
 
Mais il faut voir de quels journalistes il s’agissait. Aussi, l’autorité publique doit veiller aux bonnes pratiques par la direction générale en favorisant l’appel à candidatures dans le service public de l’information dans des conditions de transparence incontestables.
 
Il ne s’agit pas de personnaliser le débat, mais le premier responsable de toutes ces tribulations reste le directeur général Thierno Birahim Fall. L’Aps, qui ne parvient pas à payer encore les salaires de décembre, n’a pourtant jamais reçu autant d’argent que cette année, selon nos confrères. Une manne financière constituée de la modique subvention, de l’aide à la presse et de la subvention pour les dernières élections législatives.
 
Alors se pose la question de la gestion des ressources de l’Agence, de leur utilisation et éventuellement de leur évaporation dans la nature étant entendu qu’elles étaient suffisantes pour garantir le paiement des salaires. Le salaire est, dit-on, la dignité du travailleur.
 
Certains prédisent un sombre avenir aux entreprises de presse, notamment du fait de la raréfaction des ressources publicitaires. Quelles initiatives pourraient inverser cette tendance ? 
Je préfère voir les choses du bon côté que de verser dans un pessimisme. Je dois d’emblée vous dire que ce serait démagogique et prétentieux de ma part de vouloir avancer des initiatives ou esquisses pour inverser la tendance de l’«avenir sombre» que vous brossez. Il convient néanmoins de scinder votre question en deux considérations : d’une part il y a les difficultés de la presse et/où son incapacité à générer des revenus en tant qu’entreprise, et il y a d’autre part, le marché publicitaire.
 
Pour le marché publicitaire, les professionnels des médias appellent à sa réglementation depuis de nombreuses années à travers une réflexion globale et inclusive. Par rapport aux difficultés les médias, il est évident qu’elles sont en grande partie liées à l’absence où à la disponibilité de la publicité pour de nombreux journaux, radios, télés où même sites internet.
 
Le Synpics demande toujours un financement conséquent des médias dits de service public même si la notion de service public utilisée ici concerne les médias relevant d’obédience étatique puisque tous les organes de presse font du service public.
 
Quels sont les écueils à éviter pour la presse en général?
La vérité est que nous avons de nombreux lobbies dans le monde de la presse, des lobbies de toutes sortes. Le grand danger qui nous guette, si nous n’y sommes pas déjà, est de voir la presse tenir en otage tout un peuple. Des fréquences radio, télé ont été octroyées dans ce pays avec une facilité déconcertante, sans aucun respect des cahiers de charge.
 
S’y ajoute que nous nous retrouvons avec des supports confrériques, confessionnels. Tout cela sous le regard impuissant des citoyens et des professionnels. Il faut dénoncer cette propension à donner des licences à tout va à des pseudo entreprises de presse non conçues pour faire de l’information, mais de la propagande.
 
Quelle réponse à cette menace ?
L’idéal aurait été d’aller vers de grands groupes qui mettent en avant leur survie, la capitalisation et la mutualisation des moyens en lieu et place d’organes de presse qui ne le sont que de nom, dépourvu de professionnels qui l’animent.
 
Il y a donc nécessité de combattre l’accaparement des médias par des non-professionnels qui trouvent en la facilité de créations de sites, journaux ou d’obtention de licences audiovisuelles un moyen d’être dans le paysage médiatique sans aucune autre ambition que de se faire de l’argent quitte à tenir tout le monde en respect par le moyen de chantages, de médisances etc.
 
La presse est une arme super puissante qu’il ne faut pas laisser entre des mains inexpertes.

(Propos recueillis par Mohamed Ndjim, Quotidien Tribune)
 
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