INVESTIGATIONS - Le Giaba parie sur 40 journalistes pour exposer les crimes économiques et financiers en Afrique de l’Ouest

Mardi 16 Septembre 2025

Bissau sera sera pendant trois jours la capitale du journalisme d’investigation ouest-africain avec un atelier axé sur les techniques d’enquête qui exposent de manière efficace les réseaux de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme qui fragilisent les tissus économiques et déstabilisent les Etats démocratiques.


« Bâtir une alliance solide avec les médias de manière concertée en vue d’une diffusion efficace de l’information sur les questions de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. » C’est l’un des objectifs visés par le Giaba avec l’organisation d’une formation régionale de trois jours au profit de 40 journalistes ouest-africains venus des 12 pays de la Cedeao du 22 au 24 septembre 2025 à Bissau, indique un communiqué du Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest consulté par IMPACT.SN. 

 

Le rôle capital des médias dans l’exposition des crimes économiques et financiers peut être relié à « la somme stupéfiante de 88,6 milliards de dollars » constituant les flux financiers illicites (FFI) qui désertent l’Afrique pour diverses destinations à travers le monde dont des comptes offshore en paradis fiscaux, des banques occidentales et autres fonds de pension peu regardantes sur les origines de l’argent recueilli.

 

Dans un document intitulé Les journalistes, catalyseurs de la lutte contre la criminalité financière en Afrique, le Dr Muazu Umaru, directeur de la Politique et de la Recherche du Giaba, écrit : « les journalistes et les professionnels des médias ne sont pas de simples observateurs » de cette crise des FFI. « Ils constituent une force essentielle, souvent sous-utilisée » pour exposer « les réseaux complexes de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme » qui pillent le continent, l’Afrique de l’Ouest en particulier.

 

Les journalistes face aux réseaux complexes du blanchiment d’argent 

 

Par cette alliance, le Giaba « reconnait (ainsi) le rôle important joué par les journalistes dans la chaîne d’information sur le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme » et la place stratégique des rédacteurs en chefs dans l’agencement et la diffusion des articles, en particulier ceux portant sur le LBC/FT. Au delà, la rencontre de Bissau sera l’occasion d’inciter les médias « à promouvoir en interne la culture d’enquête » qui s’attaque aux « pratiques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme » dans l’espace Cedeao. 

 

« Les flux (financiers) illicites les plus substantiels ne résultent pas d’une mallette pleine d’argent, mais sont cachés dans des documents commerciaux complexes, des structures d’entreprises offshore et des transactions financières sophistiquées. Pour y remédier, les professionnels des médias doivent acquérir un nouvel ensemble de compétences, passant de journalistes politiques traditionnels à des analystes financiers, judiciaires et à des journalistes de données capables de suivre ces complexités », propose le responsable du Giaba.

 

Sous forme d’atelier, les activités de Bissau, animées par des experts et praticiens, seront déclinées en présentations plénières, études de cas, exercices de groupe et jeux de rôle, informe le communiqué. Elles devraient permettre in fine de renforcer les capacités des professionnels dans le genre journalisme d’investigation.

 

Selon le Giaba, « les médias jouent un rôle crucial dans la promotion de la bonne gouvernance, le déploiement optimal des ressources de l’Etat, la protection des droits des citoyens. » Ils sont également incontournables tant « dans la dénonciation des fonctionnaires corrompus » que dans l’identification « des pratiques de corruption » au niveau des administrations publiques des Etats ouest-africains. Pour ces raisons, les médias apparaissent comme des « agents de changement (…) dans la croisade contre la corruption. » Sous cet angle, leur importance « dans la diffusion des messages LBC/FT ne peut être surestimée », ajoute la note. 

 

Immensité des questions et approche globale

 

« Dans sa forme la plus avancée et corrosive, la corruption transcende la petite corruption pour devenir une forme de pillage institutionnalisé connue sous le nom de kleptocratie et de capture de l’Etat, écrit le Dr Umaru Muazu. Il s’agit d’une stratégie politique délibérée où une élite dirigeante et ses alliés privés manipulent les institutions gouvernementales pour u gain financier personnel. »

 

Aujourd’hui, le Giaba préconise que les médias et autres entités « non traditionnelles » s’associent d’une certaine manière aux agences et autorités de réglementation en charge de l’exécution des normes de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme « afin d’assurer une approche holistique et des complémentarités » face à « l’immensité des questions en jeu » en Afrique de l’Ouest. 

 

Dans cet élan, l’institution spécialisée de la Cedeao s’engage à « tenir les médias informés des initiatives régionales de LBC/FT » en particulier celle concernant ses propres missions, mais aussi à offrir aux journalistes « l’opportunité d’acquérir des techniques de collecte d’informations et d’enquêtes. »  

 

Le Giaba est l’organe spécialisé de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) fondé en 2000 et chargé de la mise en oeuvre des stratégies de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération des armes de destruction massive dans l’espace ouest-africain. Il travaille à harmoniser les normes internationales dans ces domaines avec celles en vigueur dans les douze Etats de la Cedeao. 

 
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