La réunion de crise organisée vendredi par le président français Emmanuel Macron avec les forces politiques n’a abouti à aucune avancée, selon la gauche, enfonçant un peu plus le pays dans l’impasse à quelques heures de la nomination attendue d’un nouveau premier ministre.
« Nous ressortons avec aucune réponse sur rien, si ce n’est que le prochain premier ministre qui devrait être nommé dans les heures qui viennent […] ne sera pas dans notre camp politique [la gauche, NDLR] », a déclaré la patronne des Ecologistes Marine Tondelier, sortie « sidérée » de cette réunion qui a duré près de 2 h 30.
« Tout ça va très mal se terminer », a-t-elle ajouté, en prédisant une possible « dissolution » de l’Assemblée nationale. Il n’y a « aucune réponse claire » du chef de l’État, a renchéri Olivier Faure, le chef de file des socialistes qui réclamait la nomination d’un chef de gouvernement issu de son camp.
Sur une éventuelle suspension de la très impopulaire réforme des retraites, condition préalable posée par une grande partie de la gauche pour ne pas censurer le prochain gouvernement, le chef de l’État a seulement proposé de « décaler dans le temps » la mesure sur l’âge de départ, selon Mme Tondelier.
« Pas d’éclaircie », a renchéri le communiste Fabien Roussel, mettant en garde : si le premier ministre est « dans le camp d’Emmanuel Macron », « nous ne pourrons pas l’accepter ».
Les chefs du parti de droite Les Républicains (LR), Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez, étaient sortis les premiers de l’Élysée, sans faire de déclaration.
Grands absents de cette réunion : les partis d’extrême droite Rassemblement national (RN) et de gauche radicale la France insoumise (LFI), qui n’ont pas été conviés car, contrairement aux autres, ils « ont tous les deux indiqué rechercher la dissolution », a justifié l’entourage d’Emmanuel Macron.
Prise de parole attendue de Macron
Il s’agit d’une « rupture avec […] la fonction » présidentielle, a protesté la cheffe des députés RN Marine Le Pen, dénonçant « une réunion de marchands de tapis » depuis un congrès de sapeurs-pompiers.
Emmanuel Macron avait promis mercredi de nommer un premier ministre d’ici « vendredi soir » après la démission fracassante lundi de Sébastien Lecornu. Ce dernier s’était vu confier une mission de deux jours de négociations supplémentaires pour tenter d’arracher, en l’absence de toute majorité parlementaire, un accord de non-censure du futur gouvernement.
Rien n’a filtré sur l’heure et les modalités d’une annonce. Une prochaine prise de parole du chef de l’État est évoquée par son entourage.
À quelques heures d’une nomination, le scénario d’une reconduction de Sébastien Lecornu revenait avec force, au risque d’ulcérer les oppositions et d’accélérer la censure de la nouvelle équipe.
Troisième premier ministre désigné en un an depuis la dissolution de l’Assemblée par M. Macron en juin 2024, M. Lecornu est à ce stade le plus éphémère chef de gouvernement de la Ve République. Celui qui est resté un peu moins d’un mois en poste assure ne pas « courir après le job » et avoir « terminé » sa « mission ».
Un temps évoquée, la carte du centriste Jean-Louis Borloo, 74 ans, éternel « revenant » par temps de crise, semblait finalement peu probable.
Emmanuel Macron est une fois de plus confronté au casse-tête qui se pose à lui depuis plus d’un an : trouver un premier ministre susceptible de survivre dans un paysage parlementaire sans majorité, divisé en trois blocs (alliance de gauche, centre droit, extrême droite) depuis la dissolution de l’Assemblée de juin 2024.
Budget à voter
L’urgence est de déposer un projet de budget lundi, soit la date-butoir pour qu’il soit adopté d’ici la fin de l’année par le Parlement, alors que la France, deuxième économie de la zone euro, affiche une dette de 3400 milliards d’euros (115,6 % du PIB) et une croissance plombée par la frilosité des investissements.
Cela sous-entend la nomination d’un gouvernement peut-être dès vendredi ou à défaut ce week-end. Sébastien Lecornu a suggéré que la future équipe gouvernementale soit « complètement déconnectée des ambitions » pour l’élection présidentielle de 2027, ambitions qu’il n’a lui-même jamais manifestées.
Cela exclurait Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur démissionnaire et patron du parti de droite LR. M. Retailleau a indiqué vendredi qu’il ne resterait pas au ministère de l’Intérieur. [AFP]