Une station du Train express régional (TER) à Dakar
Le docteur S.J., médecin demeurant en banlieue dakaroise, a failli atterrir en prison le 9 juin 2023 au terme du procès devant le tribunal des flagrants délits de Dakar. Il a écopé d’une peine de trois mois avec sursis et a pu regagner son domicile après avoir comparu libre. Il lui est reproché d’avoir pris une image d’une scène « normale » de fouille des passagers par des gendarmes dans une des gares TER et de l’avoir publiée sur internet en violation de la loi organisant la protection des données personnelles.
Interrogé par la présidente du tribunal, le jeune médecin a d’abord reconnu les faits qui lui sont reprochés et fait son mea culpa face à l’insistance de la juge entourée de ses deux assesseurs. Il a avoué qu’il ignorait que la loi interdisait la divulgation de ce type de données sans le consentement de l’autorité concernée. Une justification que le procureur de la république a balayée d’un revers de main en orientant le débat avec le prévenu sur un autre terrain.
« Que cherchiez-vous en balançant la vidéo sur le net », lui a demandé le maître des poursuites ? Bafouillant un peu mais resté calme, le sieur S.J. répond ceci à peu près : je voulais savoir si le fait de fouiller les gens était normal.
Exaspéré par les propos, le procureur l’interpelle : pourquoi pensez-vous que des gens qui sont sur internet et donc absents des lieux sont en mesure de vous éclairer ? Qu’est-ce qui vous empêchait de saisir les gendarmes ou responsables du TER sur place ? J’étais dans le TER et il n’y avait pas de gendarmes autour de moi, a-t-il répliqué.
Après avoir sermonné le prévenu, le procureur a demandé l’application stricte de la loi vu que les faits sont constants.
Les quatre avocats de la défense n’étaient pas de trop pour tirer d’affaire leur client, en dépit de l’honnêteté et de la transparence dont il a fait preuve durant toute la procédure. Un argument solide pour chacun d’entre eux et suffisant pour que le tribunal soit bienveillant envers le médecin.
« Nul n’est censé ignoré la loi », un principe universel qui doit être relativisé eu égard à certaines réalités sociales, en particulier au Sénégal, a souligné l’un des défenseurs du prévu. Un autre a fait état de jurisprudences française et américaine selon lesquelles prendre en image des agents publics dans l’exercice de leurs fonctions ne peut être source de d’infraction devant la loi, encore moins de condamnation.
Après une brève concertation avec ses assesseurs, la présidente du tribunal a livré le verdict, au grand soulagement du docteur S.J. tout en sueur et sans doute heureux de pouvoir retrouver les siens et son boulot. Et son téléphone aussi ! (IMPACT.SN)