Deux soldats franco-israéliens visés par une plainte pour crimes à Gaza

Mercredi 2 Juillet 2025

Des soldats de Tsahal à Gaza (photo d'illustration)

Six ONG, parmi lesquelles la Fédération internationale des Droits de l’Homme (FIDH) et la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), ont déposé une plainte avec constitution de partie civile auprès du pôle crimes contre l’humanité du tribunal judiciaire de Paris.

 

Par voie d’un communiqué publié ce mardi par la FIDH, elles expliquent que cette action cible deux soldats franco-israéliens, membres d’une unité d’élite dite « Ghost Unit », accusés d’avoir participé à des exécutions de civils non armés dans les villes de Gaza et Khan Younès entre novembre 2023 et mars 2024. Les plaignants s’appuient sur une enquête du journaliste palestinien Younis Tirawi, dévoilant l’existence de cette unité spécialisée en tirs de précision.

 

La plainte mentionne la nationalité française de ces soldats, condition essentielle pour déclencher la compétence extraterritoriale de la justice nationale, et vise à obtenir l’ouverture d’une information judiciaire. Pour la FIDH, ce mécanisme est « essentiel lorsque la justice ne peut être rendue dans le pays concerné ».

 

Cette démarche s’inscrit dans un mouvement européen plus large. Le journal l'Humanité rappelle que le 17 octobre 2024, l’Association Belgo-Palestinienne (APB) avait lancé une plainte analogue contre un membre belgo-israélien de la même unité. Les organisations annoncent que des plaintes comparables sont en cours de préparation en Allemagne et en Italie.

 

Au cœur des accusations, la mise en scène d’exécutions sommaires figure en bonne place. Dans un cas similaire déjà jugé en Belgique, la plainte évoquait « crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocide, torture ». Le dossier repose notamment sur des vidéos relayées sur les réseaux sociaux dans lesquelles les victimes civiles seraient ciblées et humiliées.

 

Les plaignantes estiment que ces actions illustrent « une politique approuvée par l’État » et manifestent un usage systématique de la torture et de la persécution, susceptible d’être qualifié de crime contre l’humanité.

 

La LDH et la FIDH soulignent qu’en saisissant la justice française, elles cherchent à compenser l’absence d’enquête en Israël et le déficit de réactions judiciaires dans d’autres pays européens. Elles alertent également sur le danger d’une banalisation des atteintes graves au droit international humanitaire, quand elles ne sont pas poursuivies.

 

"Environ 4000 ressortissant·es français·ses serviraient actuellement dans les rangs des forces armées d’occupation israélienne", lit-on dans le communiqué de la FIDH.

 

En se constituant partie civile, les ONG déclenchent l’ouverture quasi automatique d’une information judiciaire, sans passer par l’avis du parquet. Le but annoncé est d’élargir l’enquête à d’autres éventuels auteurs binationaux, et d’obtenir des poursuites selon les qualifications de crime de guerre, crime contre l’humanité et génocide.

 

Cette série d’actions judiciaires internationales place la France et d’autres États européens face à leurs responsabilités. Elle cherche à interpeller l’opinion sur la notion de responsabilité individuelle, y compris au sein d’opérations militaires appuyées par l’Europe.

 

Sur le plan judiciaire, l’enjeu est double : faire reconnaître la France comme juridiction compétente en matière de crimes internationaux commis à l’étranger, et obtenir des preuves tangibles via ces procédures. Au-delà de l’aspect pénal, ces plaintes nourrissent le débat sur la moralité et la légitimité des engagements militaires de citoyens binationaux formés à l’étranger.

 

Cette offensive judiciaire vise aussi à créer un précédent : inciter d’autres victimes ou ONG à engager des poursuites semblables, particulièrement dans des pays européens où existent des lois de compétence universelle. En toile de fond, elle interroge l’efficacité des institutions internationales comme la Cour pénale internationale, que les ONG jugent insuffisamment mobilisées face aux atrocités de grande ampleur.


- Situation humanitaire à Gaza


Pour rappel, depuis la reprise des hostilités par Tel Aviv le 18 mars 2025, après un cessez-le-feu, les attaques israéliennes ont tué près de 6 000 Palestiniens, portant le bilan total à Gaza à plus de 57 000 morts, depuis le début du conflit en octobre 2023, suite à une attaque du Hamas.  

La majorité des victimes palestiniennes sont des civils, notamment des enfants et des femmes.

 

Pour rappel, la Cour internationale de Justice (CIJ) a ordonné à Israël, le 26 janvier 2024, de prévenir tout acte de génocide à l'encontre des Palestiniens à Gaza et de permettre l'accès à l'aide humanitaire. 

 

De son côté, la Cour pénale internationale (CPI) a émis, le 21 novembre 2024, plusieurs mandats d'arrêt, notamment contre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis dans la bande de Gaza. Ce dernier est toujours à la tête du gouvernement israélien.

 

Par ailleurs, Israël bloque l’entrée de toute aide humanitaire dans la bande de Gaza, invoquant des raisons de sécurité. Quelques autorisations minimes de passage de l'aide humanitaire ont été accordées, mais celles-ci demeurent largement insuffisantes pour répondre aux besoins de la population gazaouie.

 

Ce blocus a été condamné par plusieurs ONG, dont Médecins du monde, Oxfam et le Norwegian Refugee Council, qui alertent sur un "effondrement total" de l’aide humanitaire et dénoncent "l’un des pires échecs humanitaires de notre génération". 

 

Dans ce contexte, le ministre israélien de la Défense, Israel Katz, a réaffirmé qu’"aucune aide humanitaire n’entrera à Gaza". [AA]

 
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