Destitution de Trump: le débat juridique ouvert

Mercredi 4 Décembre 2019

Après deux mois d'enquête, le congrès des Etats-Unis a ouvert mercredi le débat juridique pour déterminer si les faits reprochés au président américain Trump justifient une destitution. Le débat acrimonieux a reflété la fracture entre démocrates et républicains.
 
Donald Trump était «prêt à mettre en péril» la sécurité des Etats-Unis pour en tirer un avantage personnel, a assuré l'élu démocrate Jerry Nadler à l'ouverture d'une audition destinée à discuter du cadre constitutionnel de la procédure de destitution.
 
«Si nous n'agissons pas maintenant, il essaiera à coup sûr de solliciter à nouveau une ingérence étrangère dans les élections», a ajouté le président de la commission judiciaire de la chambre des représentants, chargée de rédiger les éventuels articles de mise en accusation (impeachment) du président.
 
Les républicains, visiblement déterminés à perturber le déroulement de l'audition, ont dénoncé d'emblée une «imposture». «Ce n'est pas une procédure en destitution, c'est un passage en force. Aujourd'hui, nous perdons notre temps», a asséné le parlementaire Doug Collins.
 
Sécurité nationale »en danger«
 
Donald Trump est dans la tourmente, parce qu'il a demandé à l'Ukraine d'enquêter sur le démocrate Joe Biden, un de ses adversaires potentiels à la présidentielle de 2020. Il assure avoir été dans son bon droit, mais l'opposition démocrate est convaincue qu'il a abusé de ses pouvoirs, notamment en gelant une aide militaire de près de 400 millions de dollars destinée à ce pays en conflit avec la Russie.
 
Après avoir auditionné une quinzaine de témoins, la commission du renseignement de la chambre des représentants a conclu, dans un rapport d'enquête publié mardi, que Donald Trump avait «placé ses intérêts personnels et politiques au-dessus des intérêts nationaux, cherché à miner l'intégrité du processus électoral américain et mis en danger la sécurité nationale».
 
Ce rapport est «une blague», a réagi Donald Trump, en dénonçant un processus »très mauvais« pour les Etats-Unis.
 
«Un roi sur le sol américain»
 
Sur la base de ce rapport d'enquête, la commission judiciaire a ouvert mercredi une nouvelle phase de la procédure pour déterminer si les faits reprochés à Donald Trump correspondent à l'un des motifs de destitution cités dans la constitution: «trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs». Trois professeurs de droit invités par les démocrates ont répondu par l'affirmative.
 
«Impliquer un gouvernement étranger dans notre processus électoral est un abus de pouvoir particulièrement grave, parce qu'il affaiblit la démocratie», a notamment déclaré Pamela Karlan, professeur de droit à l'université Stanford.
 
«Si le congrès ne le destitue pas, la procédure de destitution aura perdu tout son sens, tout comme les garanties constitutionnelles destinées à empêcher l'installation d'un roi sur le sol américain», a ajouté Michael Gerhardt de l'université de Caroline du Nord.
 
Mais un autre universitaire, convié lui par les républicains, a jugé les preuves «insuffisantes». Il a déploré la précipitation des démocrates. «Ce n'est pas comme cela qu'un président doit être destitué», a estimé Jonathan Turley de l'université George Washington.
 
Américains divisés
 
Les avocats de la Maison-Blanche ont refusé de participer à cette audition en dénonçant une procédure «inéquitable». Mais ils se réservent la possibilité d'intervenir ultérieurement.
 
La commission judiciaire pourrait débattre d'au moins quatre chefs d'accusation: abus de pouvoir, corruption, entrave à la bonne marche du congrès et entrave à la justice. Une fois rédigés, les articles seront soumis à un vote en séance plénière à la chambre basse du congrès, peut-être avant Noël.
 
Compte tenu de la majorité démocrate à la chambre, Donald Trump devrait entrer dans les livres d'histoire comme le troisième président américain mis en accusation, après Andrew Johnson en 1868 et Bill Clinton en 1998, tous les deux acquittés par la suite.
 
Le Sénat serait ensuite chargé de juger le président. Il faudrait une majorité des deux tiers pour le destituer, ce qui paraît très improbable. Les républicains sont en effet majoritaires au Sénat et font bloc autour de Donald Trump.
 
Comme leurs élus, les Américains sont divisés sur les poursuites ouvertes contre Donald Trump, avec 49% qui les soutiennent et 44% qui y sont opposés, selon (ats/nxp)
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