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Côte d’Ivoire : de la gouvernance du désespoir

Mercredi 29 Avril 2020

 
La justice ivoirienne vient de condamner l’ex président de l’assemblée nationale Guillaume Soro à une triple peine : civile, pécuniaire, civique.
 
Ce verdict du tribunal correctionnel d’Abidjan est tombé juste après l’injonction adressée le 22 avril dernier par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) à la Côte d’Ivoire de surseoir au mandat d’arrêt visant Guillaume Soro et de placer en liberté provisoire une vingtaine de ses proches dont cinq parlementaires, des militants et des parents, tous accusés de « complicités » dans la commission des actes visés par la justice ivoirienne. Il n’y a pas de hasard qui tienne lorsque la politique et la justice agissent en symbiose comme c’est le cas dans l’affaire que voilà. La décision sans appel de la CADHP à laquelle Abidjan avait répondu avec snobisme a directement précipité la fuite en avant des autorités ivoiriennes dans ce dossier.
 
L’idée n’est pas de soutenir l’innocence ou la culpabilité de l’ex-rebelle, mais le bon sens sait souvent orienter vers la bonne direction. Il nous dit par exemple que si Soro avait accepté de rejoindre la coalition du RHDP fabriquée de toutes pièces par Ouattara, il serait encore, aujourd’hui, à son perchoir du parlement. De 2012 à 2019, ce jeune professionnel de la politique a été président de l’assemblée nationale de Côte d’Ivoire après avoir été ministre de la Défense. En Afrique, ce n’est pas rien, surtout pour quelqu’un qui n’a pas encore 50 ans.
 
L’Afrique ! On en est encore là, 60 ans après les indépendances, entre machineries politiciennes, hypocrisies morbides, intolérances têtues, appétits voraces pour le pouvoir. Jusqu’au risque de miner avec une charge de C4 les fragiles équilibres socio-ethniques et claniques qui survivent dans l’ombre d’un Etat dit de droit lui-même rétif à toute évolution mentale. La Côte d’Ivoire, comme beaucoup d’autres pays africains, est malheureusement en phase parfaite avec ces caractéristiques apocalyptiques pour lesquelles elle n’a pas encore totalement fini de réparer les blessures profondes que l’inconscience dramatique de certaines de ses élites lui a infligées dans un passé récent.
 
Nul ne sait ce qui surviendra demain dans ce pays moteur de la construction et de l’intégration en Afrique de l’Ouest, à l’heure où les éléphants politiques – les mêmes qui sont au front depuis presque trente ans - fourbissent leurs armes en direction de l’élection présidentielle du 31 octobre 2020. Personne ne sait ce qui adviendra quand Guillaume Soro aura décidé de vendre chèrement sa peau – même si certains soutiennent qu’il s’est trop embourgeoisé et enrichi pour retourner dans le maquis, là où il a acquis ses premiers titres de noblesse. Nul ne sait ce qui proviendra d’une révolte intérieure si le rouleau compresseur des radicaux qui entourent Ouattara s’effondrai.
 
Finalement, pour la Côte d’Ivoire, au regard des fiançailles sans lendemain que les « chefs-éléphants » ont pris l’habitude de sceller entre eux, il n’y aura pas de salut en dehors d’un mariage raisonnable et assumé avec la modernité politique, celle qui laisse aux institutions républicaines l’arbitrage légal du jeu démocratique sous l’œil vigilant des citoyens. Cette option est d’autant plus incontournable que le président Ouattara ne sera plus, bientôt, le ciment qui fédère des clans et des ego pressés de toucher le Graal. En son absence, il n’est pas dit que Soro ne reviendra pas… C’est là tout le désespoir que procure aux Africains une démocratie qui désespère de ses élites.
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