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Quel Sénégal au lendemain des élections législatives ?

Samedi 10 Juin 2017

Notre pays vit un nomment palpitant, spécial mais aussi déterminant pour l’avenir politique de la nation sénégalaise. A l’occasion des élections législatives de juillet 2017, nous assistons à une foison sans précédent de candidatures à la représentation populaire à l’assemblée nationale : 47  listes, autant de candidats au perchoir, environ  7700 sénégalais nominés, qui aspirent à être députés, pour seulement 165 postes électifs.
 
Parmi eux un nonagénaire comme  l’ancien président Abdoulaye WADE, 91 ans révolus et des jeunes qui ont à peine 25 ans. L’amplitude est énorme entre la probable plus jeune candidate et le candidat le plus âgé. Un ancien chef d’Etat et quatre  premiers ministres, mais aussi de nouvelles figures de l’espace politique qui feront leur baptême de feu lors  de ces joutes électorales.
 
Ces élections sont atypiques et inédits, en énoncent un certain nombre d’hypothèse sur ce que sera le Sénégal à l’issue du vote du 30 juillet. Quel serait la nouvelle configuration des forces politiques en concurrence ? Quel serait la qualité et la nature du rapport entre les sénégalais et leurs institutions ? Assisterons –nous à un renouvellement du personnel politique décideur ou à une reproduction du système qui persiste depuis 1962 ?
 
Naturellement une catégorie d’acteurs qui ont marqué l’histoire politique du Sénégal devra tirer leur révérence à l’issue de ces dernières joutes. Si on peut-on en parler  ainsi de l’emblématique opposant et atypique président de la république Abdoulaye WADE, et d’autres mohicans de l’acabit de Moustapha NIASSE, qui semblent s’accrocher aux affaires…
 
Mais peut-on également espérer l’avènement d’une nouvelle génération de décideurs en cas de succès électoral de nouveaux profils de leaders politiques dont le plus visible, Ousmane SONKO, et davantage d’acteurs non affiliés aux partis politiques qui prétendent porter de nouveaux projets de sociétés et de nouvelles valeurs et approches de gouvernance, voir la refondation des institutions de la république.
 
Les élections en perspective pourront-elles favoriser une nouvelle assemblée nationale forte, non vassalisée par l’exécutif et dynamique en propositions de nouvelles lois progressistes. Seront-elles  la passerelle d’un legs qualitatif, qui apporte une réponse probante à la crise politique, qui dans la perspective théorique de Gramsci, renvoie à une situation où  la probabilité de la fin de l’hégémonie politique dominante  n’assure pas toujours  l’avènement de nouvelles perspectives de transformation ? Et dans une telle opacité, peuvent triompher des monstres politiques.
 
Mais il reviendra aux  électeurs d’en décider. Les sénégalais opteront –ils pour le retour et/ou le maintien des anciens aux affaires ou oseront-ils le  changement fondamental de paradigme, ou alors prêteront-ils le flanc au profit des montres politiques?
 
Il faudra d’abord savoir combien des 5 millions et plus d’électeurs inscrits sur le nouveau fichier électoral numérisé vont se mobiliser pour exprimer leur choix ? Ont-ils d’ailleurs un choix parmi les 47 offres politiques ? Auront-ils la possibilité en trois semaines de campagne électorale de connaitre la teneur de cette pléthore d’offres pour pouvoir les départager  objectivement et sereinement?
 
Assurément le jeu politique est biaisé d’avance par un système qui s’avère finalement peu démocratique à plusieurs points de vue. A l’amont, les candidats ne se présentent pas sur le même pied d’égalité, car le code électoral est resté discriminatoire, malgré les avancées constitutionnelles, entre les candidats des partis politiques et candidats indépendants, avec l’imposition de parrainages à ces derniers, sans remettre en cause le niveau de représentativité des partis politiques. Surtout qu’une telle disposition n’a pas permis la limitation des candidatures, malgré une caution exigée de quinze millions de FCFA appliquée à toutes les listes.
 
Ces dispositions restent tout de même iniques et injustifiées. L’autre  déséquilibre démocratique est lié à la variable démographique comparée aux caractéristiques des investis. Rares sont les jeunes investis dans des positions avantageuses pour avoir la chance de se retrouver à l’assemblée nationale dans un pays où la moyenne d’âge est de 22,7 ans, la moitié de la population a moins de 18 ans,et près de 4500000 sénégalais   sont âgés de 18 à 35 ans, comparés à un fichier électoral d’un peu plus de 5 100 000 d’inscrits (les chiffres définitifs ne sont pas encore publiés).
 
Egalement nous pouvons noter l’asymétrie sur la distinction faite entre  l’électeur et  l’éligible, car tout citoyen âgé de 18 ans a la possibilité de voter, mais ne peut être éligible qu’à l’âge de 25 ans. Une aberration qui met en rade une frange importante de notre jeunesse qui pourtant affirme de plus en plus  de pertinence dans leur  contribution au débat public  et leur aspiration à une action politique  moderne, inclusive et plus efficace.
 
Espérant que la prochaine législature permettra de corriger ces manquements observés sur la marche de notre démocratie, qui, à l’ère des grandes mutations mondiales, s’oriente vers des perspectives de transformation structurelle des  institutions et des modes de représentation du peuple dans la conduite des affaires publiques.
 
En attendant les résultats du vote du 30 Juillet pour pouvoir se faire une idée de ce que sera le Sénégal les années à venir. Nous pourrons évaluer à l’occasion si nous nous donnerons vraiment les moyens de nos aspirations en termes de transformation ou alors si le système continuera à résister et à accommoder les citoyens dans le conservatisme. Un autre facteur qui promet un intérêt  analytique majeur dans ce contexte est le taux de participation à ces élections. Les sénégalais sont –ils encore optimistes au point de se mobiliser massivement pour choisir au-delà des figures, des perspectives politiques précises ? Ou abandonneront-ils l’opportunité du choix de leurs représentants à un électorat affidé des appareils politiques ?
Elimane H. KANE, LEGS-Africa
 
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