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Le Ndiguel politique : une question d’éthique.

Vendredi 17 Novembre 2017

Dans une récente sortie médiatique, le marabout Serigne Bass Abdou Khadre (photo) a évoqué la pertinence du Ndiguel politique dans le credo mouride afin de montrer aux citoyens qu’il peut être utilisé en cas de nécessité voire d’utilité sociale.
 
Il ne s’agit nullement dans le cadre de cette contribution de rejeter en bloc l’usage du Ndiguel, mais plutôt de nous interroger sur sa pertinence voire sa légitimité par rapport à plusieurs paramètres d’appréciation de l’engagement au service exclusif du bien être de la population sénégalaise et de la défense de ses droits.
 
Dans le credo mouride, le Ndiguel du marabout va au-delà d’une simple recommandation. Il constitue une injonction adressée au disciple en vue d’agir expressément selon la volonté du marabout en faisant abstraction de sa faculté de discernement voire d’analyse inhérente à la condition humaine.
 
Lorsqu’il s’agit d’un Ndiguel ayant trait à des pratiques cultuelles, le fidéle mouride se précipite corps et âme afin d’exécuter la volonté du marabout pour s’acquitter d’une part d’un devoir religieux et d’autre part de manifester son appartenance à la communauté des fidèles de Cheikhoul Khadim.
 
Le Ndiguel sous cette forme est une exhortation à la vertu. Il est à magnifier et doit être de mise partout dans les familles maraboutiques. Au demeurant, il a vocation à ancrer la communauté de fidèles dans le respect continu des recommandations du Seigneur des mondes. C’est à la fois le rôle et le devoir du guide religieux.
 
Par contre, lorsque le marabout fait appel à l’autre versant du Ndiguel en vue de soutenir une politique voire un politicien, il revient de droit à chaque disciple et/ou citoyen de s’interroger en toute objectivité sur l’utilité sociale de cet engagement. Ce questionnement ne doit pas être considéré comme un acte de défiance.
 
Il s’agit tout au plus de se demander pourquoi maintenant le marabout décidé d’un coup de soutenir publiquement une politique voire un responsable politique au détriment du reste de la chapelle ? Quels sont les intérêts en jeu qui peuvent se cacher derrière ce soutien ? Nous savons tous que nos politiciens professionnels courent vers Touba afin de s’offrir une certaine visibilité auprès de l’élite maraboutique mouride.
 
Le Ndiguel politique ne peut être réellement compris voire accepté par les citoyens sénégalais que si et seulement si, il est motivé par une volonté farouche de tenir un discours de vérité et de justice aux autorités publiques.
 
En effet, beaucoup de citoyens sénégalais restent médusés devant le silence coupable de l’élite maraboutique sur les nombreux scandales et les entorses aux règles de droit. La voix des marabouts demeure pour l’essentiel inaudible voire absente sur les enjeux de justice équitable et de bonne gouvernance.
 
Le Ndiguel politique ne peut avoir une portée réelle sur la conscience des citoyens sénégalais que si les marabouts acceptent de dire froidement la vérité aux tenants du pouvoir sur les conditions de vie difficiles de nos compatriotes. Au plus, ils doivent être du côté de la masse précarisée afin de porter leurs revendications au président de la République.

Vu la situation délétère du pays de la Teranga, les citoyens sénégalais ne comprennent pas et ne peuvent point accepter que leurs guides spirituels observent le silence des momies sur les nombreux cas d'instrumentalisation de la justice, sur les dérives autoritaires de nos gouvernants, sur les cas impunis de détournement de deniers publics.
 
Avant de s’aventurer sur l’usage d’un nouveau Ndiguel politique, il est impératif pour l’élite maraboutique mouride en particulier de porter l’étendard du respect des droits légitimes des populations sénégalaises. En effet, vu les enjeux du moment et l’émergence d’une nouvelle forme de citoyenneté nourrie sur le terreau des réseaux sociaux de communication, les citoyens sénégalais ne sont plus dans l’optique de suivre aveuglément un Ndiguel politique alors que l’élite maraboutique refuse de se prononcer en toute objectivité sur la situation du pays et de pointer in fine la responsabilité des uns et des autres.
 
Le Ndiguel politique doit aller de pair avec l’éthique. Cette dernière requiert une approche pragmatique de l’engagement religieux au service de la défense des valeurs sociales et des intérêts intrinsèques du peuple sénégalais. Ce combat est l’affaire de toutes les familles maraboutiques. Elles ont le devoir d’avoir pour viatique de dire la vérité en toutes circonstances à nos autorités publiques et non de sauvegarder des privilèges et des rendus indus sur le dos de l’immense majorité des citoyens sénégalais.
 
Au plus, les familles maraboutiques du pays doivent montrer la voie en refusant de recevoir en grande pompe les pilleurs de nos maigres ressources publiques. L’appel à la vertu et au sens du devoir doit être adressé à tous les citoyens sénégalais indépendamment de leur statut social. Qui plus est, il doit servir de levier pour l’élite maraboutique de se faire entendre et écouter par nos autorités publiques.
 
En définitive, la classe maraboutique doit se servir de son aura sur une bonne partie de la population afin de porter froidement la voix de la vérité, de l’engagement auprès du peuple, du courage, du don de soi en ayant pour seul souci la défense de nos valeurs et de l'héritage de leurs illustres prédécesseurs.
 
Le Ndiguel politique n’est opérant qu’à cette seule condition. En faisant abstraction de ce devoir de vérité aux autorités publiques, l’élite maraboutique risque à terme de perdre davantage de crédibilité auprès des masses précarisées, qui au demeurant sont à la quête d’un espoir voire d’une félicité.
 
En effet, lorsque les disciples des familles maraboutiques constateront que ces dernières portent des œillères ou des gants de velours pour apprécier objectivement la gestion des affaires publiques afin de ne pas froisser les autorités de la République, ils refuseront systématiquement de répondre à leurs souhaits voire leur Ndiguel politique de soutenir un candidat, qui au demeurant n’est motivé que par les privilèges et avantages indus sur le dos du contribuable sénégalais. Ainsi, ce sera le début du désenchantement fort regrettable de l’aristocratie maraboutique du pays de la Téranga.
 massambandiaye2012@gmail.com
 
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1.Posté par Passer By le 20/11/2017 11:50
Lorsqu'on est attributaire d'un terrain de plusieurs hectares revendu immédiatement à plus d'un milliard, prononcer un ndigueul en faveur de son bienfaiteur ne surprendrait personne. Le marabout et le politicien: un duo infernal pour le sénégalais lamda!

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