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Le 30 juillet 2017 et le dernier dimanche de février 2019, je serai un mauvais musulman !

Vendredi 24 Mars 2017

Oui, si je suis en vie jusque-là, je serai un mauvais musulman pendant ces deux jours. Je serai un mauvais musulman, puisque je voterai contre la liste de Bennoo Bokk Yaakaar le 30 juillet 2017 puis, contre la réélection du président-politicien, en février 2019. Je ne serai donc pas des Sénégalaises et des Sénégalais qui suivront la recommandation du Khalife général de la famille de Léona Niassène.
 
En effet, selon ‘’L’AS’’ des samedi 12 de dimanche 13 mars 2017, ce chef religieux ‘’a vivement remercié le Président de la République pour l’achèvement des travaux de la mosquée de Léona Niassène, inaugurée vendredi’’. Il l’a fait d’abord en ces termes : « Vous avez honoré votre engagement, mais sachez qu’on vous rendra la pièce de votre monnaie. » Ici, il est dans son droit.
 
Mais, là où le bât blesse, c’est lorsqu’il poursuit : « Tout bon musulman qui croit en DIEU et au Prophète (PSL) doit voter pour le président. » Et il rassure ainsi son hôte de marque : « Je sais que les talibés vont suivre ma recommandation. Donc, vous pouvez être tranquille, M. le Président. » Le Khalife général termine par une ‘’réclamation’’ au président Macky Sall : « Un poste de député au nom de Léona Niassène. » Une sorte de retour de l’ascenseur.
 
Nous sommes en 2017, cinquante sept (57) ans après notre accession à la souveraineté internationale, et vivons notre seconde alternance par les urnes. Nous sommes donc – ou devrions être – suffisamment mûrs et libres de donner nos points de vue sur des questions en rapport avec la gouvernance de notre pays, surtout par les temps incertains qui courent.
 
Le khalife général de Léona Niassène a bien le droit de remercier le Président de la République qui a contribué à l’achèvement des travaux de la mosquée de sa concession. Il a peut-être aussi le même droit de recommander à ses talibés de retourner l’ascenseur à leur bienfaiteur. Il peut même aller jusqu’à le rassurer, qu’avec ses seuls talibés qui vont appliquer à la lettre ses recommandations, il peut dormir tranquille, puisque ces derniers sont probablement majoritaires au Sénégal.
 
Le problème – et c’en est vraiment un, et un de taille –, c’est lorsqu’il affirme que « tout bon musulman qui croit en DIEU et au Prophète (PSL) doit voter pour le président ». Si le critère, pour être un bon musulman, c’est de voter pour le président-politicien, je ne le serai point. Je ne serai pas un bon musulman puisque je ne voterai jamais pour ce président-politicien. Je ne voterai pas pour lui, ni pour sa coalition puisque, pendant les cinq années qu’il a passées à la tête du pays, il n’a pratiquement respecté aucun des engagements qu’il avait solennellement pris comme candidat.
 
Ses infrastructures coûteuses, plus de prestige que de développement, ne cachent pas la dure réalité, que sa parole ne vaut plus un copeck. Il a trahi, il a renié l’essentiel de ses engagements qui lui ont valu d’être porté avec triomphe au pouvoir, le 25 mars 2012. Point n’est besoin de nous étendre, outre mesure, sur la grosse déception que constitue sa gouvernance, qui est l’exact prolongement de celle de son prédécesseur.
 
Rappelons, parmi ses très  nombreux engagements jetés par-dessus bord, celui-ci : « L’une de mes premières missions, ce n’est pas de construire des routes, des autoroutes et des ponts. La première mission est de construire un Etat de droit. Or, l’Etat de droit, ce sont des valeurs, ce sont des principes, c’est l’égalité des citoyens devant la loi, c’est la lutte farouche contre la corruption et le népotisme, c’est d’ériger le travail en dogme et que tout le monde soit convaincu que c’est par le travail que nous pouvons développer notre pays. » La cause est entendue, vraiment entendue.
 
Nous sommes légitimement fondés à nous demander si l’auteur de cette déclaration est vraiment l’homme qui gouverne aujourd’hui le Sénégal. Etat de droit, valeurs, principes, égalité des citoyens devant la loi, lutte farouche contre la corruption ! Quelle valeur, quelle signification donne-t-il à ces concepts, aujourd’hui ? Demandons à Mme Nafy Ngom Keita si le président-politicien croit vraiment à la seule lutte contre la corruption, sans aller jusqu’à ‘’farouche’’ ! Ose-t-il parler de valeurs  et de principes aujourd’hui, lui qui a béni publiquement la détestable transhumance, et l’a pratiquement élevée au rang de méthode de gouvernement ? Sindièly Wade et le citoyen lambda sont-ils égaux devant la loi ? Désormais, dans une famille, quand deux ou trois membres sont convaincus de vols ou d’autres délits, on ne les envoie pas tous en prison, on choisit !
 
’Eriger le travail en dogme’’ ! Est-ce vraiment ce qu’il applique aujourd’hui ? Rien n’est moins sûr. Les ministres et les directeurs généraux ne sont plus jugés sur leur compétence, leur capacité de faire progresser les secteurs qui leur sont confiés mais, plutôt, de plus en plus, sur leur ‘’capacité de mobilisation’’. On mobilise jusqu’à Bamako, on y consacre des dizaines et des dizaines de millions de francs CFA dont le pauvre contribuable se demande d’où ils viennent. Je renvoie le lecteur à ‘’L’Observateur’’ 10 mars 2017 (page 8) et au journal ’’Le Quotidien’’ du même jour (page 9) : un directeur général y étale sa capacité de ‘’mobilisation’’ en louant deux demi-pages de publicité coûteuse, avec pour titre : « Tournée économique du Chef de l’Etat Macky Sall au Fouta : le pari de la mobilisation gagné par Amadou Samba Kane Maire de Ounaré, Directeur général de la LONASE ».
 
C’est donc la course à la mobilisation que prétend avoir gagnée ce directeur général, dont la gestion est de plus en plus pointée du doigt. Il a probablement payé d’autres espaces publicitaires dans d’autres quotidiens. D’autres directeurs généraux en ont sûrement fait autant. A la page 5 de son édition du vendredi 3 au dimanche 5 mars 2017, ‘’Le Témoin quotidien’’ titre en gras : « Moustapha Diop, Amadou Mbéry Sylla et Mamadou Mamour Diallo sur le Pont (avec photos à l’appui) : la guerre de la mobilisation bat son plein pour accueillir Macky Sall dimanche à Louga.» Au bas de la même page, on lit : « Le chef de l’Etat à Matam les 8 et 9 mars : le DG de la Lonase Amadou Samba Kane bat le rappel des troupes pour lui réserver un accueil exceptionnel
 
L’heure est donc à la mobilisation qui prend le large sur le travail. Les gros gestionnaires de deniers publics en sont maintenant convaincus : plus ils mobilisent, plus ils gagnent des points auprès du président-politicien. Et, à l’occasion, ils peuvent se permettre de dépenser des dizaines, voire des centaines de millions, sans courir le risque d’être contrôlés.
 
Je refuse catégoriquement de voter pour ce président-là, qui a politisé à outrance notre pauvre administration, voit tout en marron-beige, installe notre pays dans une campagne électorale permanente. Si, pour être bon musulman, il faut voter pour lui, je serai un mauvais musulman. C’est d’ailleurs le lieu de s’interroger, encore une fois, sur les milliards incontrôlés que le président-politicien dépense dans la construction de mosquées, de résidences pour hôtes, d’esplanades, de salles de conférences, etc., dans les cités dites religieuses.
 
C’est aussi celui de se poser des questions légitimes sur ce cabinet d’architecture logée à la Présidence de la République et qui aurait la main mise sur lesdits milliards.  On parle d’une dame et de son époux qui y feraient la pluie et le beau temps ! L’argent du contribuable doit être encadré et contrôlé, où qu’il soit dépensé.
 
Au début de ce texte, j’insistais sur notre droit (inaliénable) de regard sur la marche de notre pays, même s’il s’agit de questions considérées, à tort ou à raison, comme sensibles. La classe politique sénégalaise, majorité comme opposition, s’est bousculée à Tivaouane, pour présenter ses condoléances au nouveau khalife général des Tidianes (que la terre de la ville sainte soit légère à son illustre prédécesseur !). Ce dernier a profité de l’opportunité pour faire des recommandations aux uns et aux autres, peut-être même pour les sermonner un peu. Il les a notamment appelés au dialogue, à la retenue, à l’unité. Comme lors de rencontres similaires, ils se sont engagés à suivre ces recommandations tout en sachant qu’ils n’en feront rien.
 
Ces messieurs et dames ont blanchi sous le harnais de la politique. Ils doivent être maîtres de leurs actes et de leurs propos, sans nécessairement l’aide d’un régulateur social. Il est vrai que ce dernier peut y contribuer mais, de lui, ne devraient pas venir toutes les solutions aux problèmes politiques. Ce ne serait même pas l’idéal que ce fût le cas car, ceux que nous considérons généralement comme régulateurs sociaux ne sont pas toujours neutres.
 
L’idéal ne serait pas, non plus, qu’ils prennent publiquement des initiatives qui peuvent être interprétées comme des tentatives d’infléchir le cours de la justice dans un sens ou dans un autre. Quand on demande publiquement au Président de la République de libérer Massamba ou Mademba, on conforte l’idée fortement répandue que notre justice n’est pas indépendante, qu’elle est instrumentalisée par l’Exécutif.
 
Si j’étais un chef religieux, je m’informerais d’abord largement avant de me risquer à intervenir en faveur d’un talibé qui a maille à partir avec la justice. Tous les talibés ne sont pas des modèles de bonne conduite. En particulier, être homonyme d’un saint ou même du Prophète (PSL) ne saurait être un prétexte commode pour ne pas répondre de ses actes, s’ils sont délictueux. Quand on s’appelle El Hadj Malick, El Hadj Oumar Foutiyou, Cheikh Amadou Bamba, etc., on doit essayer de s’imposer, en toutes circonstances, une conduite qui s’inspire de celle de son illustre homonyme. Cette homonymie ne doit être en aucun cas perçue comme un privilège qui permet tous les écarts, mais plutôt comme un sacerdoce, une lourde responsabilité.
 
En conclusion, je précise que la réflexion qui vient d’être développée ici ne vise, en particulier, aucune religion, aucune confrérie, ni aucun compatriote qui serait dans les liens de la justice. Elle n’a pour seul objectif que d’exprimer, en toute liberté, un point de vue sur des questions importantes agitées çà et là, et qui peuvent influencer dans un sens ou dans un autre, la marche des affaires publiques dans notre pays.
Dakar, le 23 mars 2017
Mody Niang
 
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