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Forum de Tana : Ces précieuses ressources naturelles

Vendredi 28 Avril 2017

Forum de Tana : Ces précieuses ressources naturelles
Par Adama Gaye

Peut-on, doit-on se préoccuper de la gouvernance des ressources naturelles sur le continent au moment où les urgences montent de toutes parts, y compris le chômage massif, la pauvreté, le recul démocratique, la persistance des conflits, le règne du terrorisme ? C’est pourtant le pari du Forum annuel de Tana, le Davos africain de la paix et de la sécurité, dont la sixième édition vient de se tenir du 22 au 23 Avril, à Bahir Dar, une localité balnéaire reposante, située à une heure de vol de la capitale Ethiopienne.
 
Evoquer un tel sujet peut encore plus sembler une démarche saugrenue dans un pays, comme le nôtre, en ces temps turbulents où la gravité de la situation est telle que même les chefs religieux sont obligés de tirer sur la sonnette d’alarme pour endiguer les perspectives d’une conflagration. Loin d’être isolé, le cas du Sénégal est symptomatique de ce flou caractéristique d’une Afrique en transition, dans un interrègne, selon le mot de Gramsci, où un ordre ancien, de conflictualité et de mal-gouvernance n’a pas encore disparu pour faire place nette au surgissement d’un nouveau, vertueux.
 
N’ayant pas récolté les fruits promis par une démocratisation dont on attendait tant, mais brutalement piégé par une urbanisation sauvage, les déficits de services publics dans des secteurs essentiels  -de la santé à l’école, en particulier-, en butte aux transformations sociétales qu’une population impréparée ne parvient pas encore à digérer alors que l’individualisation générée par les nouveaux moyens modernes de communication, c’est d’un pays dont la tête est ailleurs qui se voit inviter, comme les autres dans la même situation à travers le continent, à porter son regard sur la gouvernance des ressources nationales qui lui appartiennent.
 
Comment y parvenir quand on est pris dans la proie des incendies, jusque sur les lieux de dévotion, comme au Dakka, où des dizaines de personnes ont été emportées par les flammes, la semaine dernière, alors que la route et les eaux font aussi leur lot de victimes tous les jours, et que, expression d’une colère devenue nationale, les marches contre le régime en place mobilisent des foules par centaines de milliers.
 
Le grand défi de la gestion des ressources naturelles est précisément de faire le départ entre la nécessité d’opérer un diagnostic suivi d’une stratégie sur le mode 360 degrés, holistique, les concernant tout en ne perdant pas de vue ces urgences pressantes de nature à empêcher toute avancée en profondeur vers la voie de ce que certains, grandiloquents, appellent l’émergence.
Jamais un pays ou une région du monde n’a su se développer, pourtant, sans réussir une gestion conjointe, simultanée, de l’immédiateté des besoins, défis, et du long-terme.
 
«Ce que nos citoyens souhaiteront savoir demain, dans vingt ou cinquante ans, c’est est-ce que ceux à qui appartient l’or ou le diamant peuvent faire un regard rétrospectif et se dire que  leurs anciens dirigeants ont été de bons gestionnaires des dons que le ciel leur a confiés, pour les générations passées et futures», résume Joyce Banda, membre du Conseil d’Administration du Forum de Tana, et ancien Président du Malawi.
 
Le Forum annuel de Tana, la plateforme officiellement validée par l’Union africaine (UA) pour engager les discussions intellectuelles, prospectives et factuelles sur les grandes questions de paix et sécurité, est devenu un ‘must’, l’endroit où il faut être pour prendre le pouls de l’Afrique, sans fioritures, de façon informelle, au milieu d’une cohorte de grands penseurs, décideurs et acteurs publics et privés.  
 
Son autorité est telle que même la conférence sur la sécurité de Munich, la plus puissante instance de réflexion sur les questions sécuritaires au monde, l’a adoubé au point de co-organiser un événement avec lui l’an dernier, en présence des sommités les plus reconnues sur les questions sécuritaires…
Le forum ne s’est pas contenté de parler des ressources en hydrocarbures –pétrole et gaz- souvent considérées comme les déclencheurs de la malédiction des ressources (comme le détournement à des fins familiales le fait craindre chez nous avec l’implication du frère du Président dans le pire scandale de l’histoire du pays, avec Petrotim). Qu’il s’agisse des autres industries extractives, de l’utilisation des terres africaines (de plus en plus prises en otages par des étrangers avec la complicité d’une bourgeoisie compradore), les richesses de l’économie maritime ou forestière, les exemples sont nombreux qui soulignent l’urgence d’un Plan africain pour une reprise en mains et une gestion vertueuse des bienfaits abondants d’une nature sur un sol et un sous-sol de loin le plus fourni dans ces secteurs au monde.
 
N’est-il pas temps d’envisager des déclinaisons nationales de ce qui se passe, chaque année, à Tana, afin que dans nos pays respectifs, les grandes questions de paix, sécurité, développement, soient débattues –sans esprit de rivalité avec Tana, le leader, en la matière, au plan continental. Cette question trotte dans ma tête alors que je suis en route vers le lac Tana, qui enveloppe de sa douceur la ville de Bahir Dar.
*Adama Gaye est un des conseillers du Forum de Tana.
 
 
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