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Cheikh Tidiane Gadio arrêté et inculpé par la justice américaine pour corruption, Idriss Deby en sursis

Lundi 20 Novembre 2017

Sale temps pour l’ex chef de la diplomatie sénégalaise. Arrêté à New York vendredi dernier, il a été inculpé le lendemain par le magistrat Nathaniel Kevin Fox pour pratiques de corruption visant à octroyer des avantages à une entreprise pétrolière chinoise dont le nom n’a pas été cité par le communiqué du Département de la Justice.


Par Momar DIENG
 
L’ancien ministre des Affaires étrangères du Sénégal, Cheikh Tidiane Gadio, a été arrêté vendredi dernier à New York, présenté devant un juge fédéral, Kevin Nathaniel Fox et inculpé pour avoir corrompu pendant plusieurs années des hauts responsables au Tchad et en Ouganda dans le but d’obtenir des avantages à une entreprise pétrolière chinoise.
 
Dans ce scandale dont fait part un long communiqué (en anglais) le Département américain de la Justice (DoJ), l’autre intermédiaire tombé dans les filets de la justice Us s’appelle Chi Ping Patrick Ho, 68 ans. Il est dirigeant d’une ONG basée à Hong-Kong et en Virginie, à l’Est des Etats-Unis.
 
Selon la même source, les pots-de-vin qui auraient été perçus par les deux hommes se chiffrent à plusieurs millions de dollars. «Des responsables au plus haut niveau des gouvernements des deux pays (Tchad et Ouganda) sont soupçonnés d’avoir reçu des pots-de-vin», selon le ministre adjoint de la Justice, Kenneth Blanco. En cause, le président du Tchad, Idriss Deby Itno, et le ministre ougandais des Affaires étrangères, dont les noms ne sont pas cités cependant.
 
Idriss Deby cité mais sans être nommé
 
Selon ce haut responsable de l’administration Trump, le président du Tchad a touché un pot-de-vin de deux millions de dollars (environ 1,1 milliard de francs Cfa) en échange de droits pétroliers offerts au groupe chinois en l’absence de tout appel d’offres international. A ce niveau, Cheikh Tidiane Gadio aurait joué un rôle central dans l’aboutissement de la transaction. L’identité de l’entreprise chinoise épinglée par les enquêteurs américains n’a pas été dévoilée.
 
Justifiant l’arrestation et l’inculpation de Gadio et Ho, le vice-ministre de la Justice a dit: «leurs pots-de-vin et leurs actes de corruption portent tort à notre économie et minent la confiance dans un marché libre.» Selon l’Afp, «les personnes inculpées ont fait transiter près d’un million de dollars par l’intermédiaire du système bancaire new-yorkais.»
 
En règle générale, la justice américaine est particulièrement impitoyable à l’égard des personnes ou groupes privés convaincus de pratiques de corruption. Au mois d’août dernier, rappelle-t-on, Mahmoud Thiam, ex-ministre des Mines de la Guinée, avait été condamné à sept ans de prison pour blanchiment de l’argent de pots-de-vin reçus d’entreprises chinoises. «Il avait notamment utilisé les 8,5 millions de dollars reçus pour payer l’école de ses enfants et acheter une maison de 3,75 millions de dollars près de New York.»
 
Pendant une dizaine d’années, Cheikh Tidiane Gadio, né le 16 septembre 1956 à Saint-Louis du Sénégal, a été l’inamovible ministre des Affaires étrangères du Sénégal sous le régime de Me Abdoulaye Wade dont il avait fini d’être un fidèle d’entre les fidèles. A ce titre, il a été au cœur de toutes les grandes crises africaines dans lesquelles Wade a joué ou tenté de jouer un rôle, notamment d’intermédiaire entre belligérants. Ce fut le cas en Côte d’Ivoire, en Libye, à Madagascar, et même dans la crise naguère vive entre les factions palestiniennes du Fath et du Hamas.
 
Enseignant, journaliste, docteur en communication de l’université de l’Etat d’Ohio (Etats-Unis), Cheikh Tidiane Gadio a été expert de la Banque mondiale dans le cadre du programme (version francophone) World Links for Development (WorldD). Un poste qu’il occupait jusqu’à sa nomination comme chef de la diplomatie sénégalaise après la première alternance de l’an 2000.
 
C’est en avril 2009 qu’il démissionnera de ses fonctions pour, disait-il, s’opposer au «projet de dévolution monarchique du pouvoir» envisagé par le président Abdoulaye Wade au profit de son fils, Karim Wade.
 
La fin ?
C’est à la suite de cette cassure qu’il se lancera plus franchement en politique par la mise sur pied de son parti, le Mouvement panafricain et citoyen Luy Jot Jotna (Mpcl). Une structure qui portera sans succès sa participation à l’élection présidentielle de 2012. Membre de la majorité présidentielle qui allait terrasser Abdoulaye Wade au second du scrutin, Gadio prendra petit à petit ses distances avec Macky Sall.
 
Leur rupture devient plus irrémédiable après que le ministère des Affaires étrangères lui retira l’organisation du Forum sur la paix et la sécurité en Afrique que la France et le Sénégal co-organisent à Dakar depuis 2014.
 
Son expérience diplomatique et internationale l’amène à fonder l’Institut panafricain de stratégies (IPS), un think-tank spécialisé dans les questions sécuritaires dans un continent jugé très vulnérable au terrorisme et aux trafics transfrontaliers.
 
Avec cette inculpation, Cheikh Tidiane Gadio qui a eu la malchance de se trouver sur le territoire américain, met en péril une carrière politique qui tarde à prendre son envol. Pour lui, cette affaire est peut-être le début d’une fin.
 
 
 
 
 
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